UN
PEU DE TECHNIQUE
Légendes :
Les pierres des statues auraient été importées
de terres lointaines autant que mystérieuses, transportées
avec l’aide d’extraterrestres déjà en contact
avec les Incas, Incas téléportés sur l’île
pour apprendre la taille des dites pierres aux Rapa Nuis.
Faits :
On a dénombré un millier de moais environ sur l’île.
Ils mesurent de deux à vingt mètres. Ils pèsent
de 10 à 200 tonnes.
Matériaux :
Sur l’île, on trouve deux carrières, toutes les
deux de lave. Une très grande, Rano Raraku, de tuf noir, dont
on extrait tous les corps et têtes de moais. Une petite, Pana
Pau, de scorie rouge, dont on extrait les coiffes.
Sculpture :
Tailler directement dans la lave, le moai « allongé » sur
le dos, face vers le ciel. Utiliser des outils en pierre plus dure
que le tuf qui est lui-même relativement léger et surtout
peu compact. Pendant la taille, pour renforcer la statue et éviter
toute rupture, laisser une arrête dorsale épaisse le
long du dos, une quille.
Certains seront abandonnés quand, malgré l’inspection
préliminaire de la roche, il s’avèrera en cours
de travail que le bloc choisi contient trop de défauts. Une
fois la taille de la face avant et des côtés terminée,
faire des trous dans la quille et remplir ces trous avec des pierres
résistantes. Quand la quille ne consiste plus qu’en
plus quelques piliers qui soutiennent le moai, les casser pour qu’il
ne repose plus que sur le lit de pierres. Le voilà détaché du
cratère. On peut alors enlever pratiquement toutes les pierres
sur lesquelles il repose.
Très spectaculaire mais pas photogénique, un moai terminé qui
ne repose que sur trois ou quatre pierres, une sous la nuque, une
sous le dos, une ou deux sous les reins et le bas. Presque en apesanteur
de trente ou quarante tonnes. Et facile à faire glisser là où on
le désire.
Pour la coiffe, procéder de la même façon. En
plus facile car la coiffe s’inscrit dans un cylindrique. Pour
ne rencontrer aucune difficulté, tailler le cylindre horizontalement
et le détacher avec la méthodes des piliers.
Transport :
Attention à ne pas tout gâcher pendant le transport,
ce serait dommage, bien que décoratif sur l’île… On
peut transporter le moai sur un chariot, comme les Egyptiens. Il
faut être beaucoup et pas pressés. On peut aussi le
faire rouler sur de gros rondins de bois dur. Une solution plus élaborée
consisterait à faire rouler le chariot sur les rondins de
bois, mais on n’est pas obligé de compliquer la recette.
Une dernière option, recommandée par certains auteurs,
est un portique qui permet de faire glisser le moai de proche en
proche. Toutes ces solutions donnent de bons résultats. (On
a réussi à bouger un moai de plusieurs centaines de
mètres en quelques heures avec le système des rondins
par exemple).
Transport couché ou debout ? Tout est possible, rien n’est
certain. Mais couché, les anciens préféraient
transporter face vers la terre. Attention, la réussite de
l’opération dépend de la bonne préparation
du chemin jusqu’au site. Une équipe spéciale,
différente de celle des artistes, sera dédiée à chaque
tâche, construction du chemin et transport.
Relever la statue :
Une fois sur site, il faut relever le moai, s’il n’a
pas été transporté debout. Rien de plus simple.
Faire un monticule de terre meuble, pousser le moai dessus, creuser
la terre sous sa partie inférieure, la statue aura tendance à basculer,
la tête à se redresser. Assurer ses arrières
en introduisant des pierres derrière la tête et recommencer.
Bientôt vous introduirait des pierres derrière sa nuque,
son dos… jusqu’à ce que l’œuvre soit
droite, dans le trou creusé devant sous elle. Le poids de
la pierre n’entre en rien dans l’effort à produire,
seule la qualité du sol à creuser mesure l’effort.
Il suffit alors d’enlever la terre à l’avant du
trou pour libérer la statue. Debout et sans gros moyens.
Pour le transport de la coiffe, rien de plus simple. La tailler trop
grande et la faire rouler jusqu’au site. Si les calculs d’érosion
et de frottement sont bien faits, elle aura atteint la bonne taille
après transport. On peut aussi la tailler encore plus grande
et récupérer sur site les morceaux de scorie laissés
par la deuxième taille, pour construire les bordures rouges
des sites les plus nobles.
Ne pas oublier de placer le moai face au village, dos à la
mer, sauf pour les sept éclaireurs ancestraux qui ont découvert
l’île, qui eux doivent regarder la mer, vers les Marquises,
leur patrie d’origine.
Positionner la coiffe sur la tête du moai :
On peut positionner la coiffe en position allongée, il faut
alors bien l’arrimer pour qu’elle ne pose pas de problème
lors du relevé de statue. On peut aussi la mettre sur la statue
déjà debout en construisant une petite pente jusqu’au
niveau du crane.
Le contraste entre le moai noir et la coiffe rouge, qui rappelle
les coiffures en chignon teintée de terre rouge de la noblesse
de l’île, est du meilleur effet.
Finitions :
La préparation est presque prête, ne reste plus que
la présentation. Finir de tailler les orbites, siège
de la mana (pouvoir), qui ne saurait investir le moai tant qu’il
n’a pas acquis sa dignité, debout. Encastrer les yeux
de corail blanc et les pupilles de couleur. Faire venir le sorcier
pour qu’il fasse son ouvrage, sinon vous aurez des ennuis.
Conseils :
Les accidents sont nombreux. Seule la pratique quotidienne permet
d’éviter tous les écueils techniques pour parvenir
enfin à exprimer le style propre de chaque tailleur qui évolue
selon les époques mais aussi selon les artistes et les personnages
représentés.
Tout cela prends beaucoup de temps, certes. Mais comme il n’y
a pas la télé, que la première terre, incertaine
et pas forcément amie, est à plus de 4000 km et qu’il
faut bien trouver des occupations pour une population débordante
en nombre et en énergie, au final, cela devient une activité phare,
largement promue par les chefs qui conquièrent ainsi un bout
d’immortalité îlienne et consolident en même
temps leur pouvoir séculier...
Etre nombreux, se partager le travail, prendre le temps qu’il
faut, voilà les recettes de la réussite.
Si vos ennemis sont battus, renverser leurs moais. Aucune technique
particulière à retenir, tout est bon (ou plutôt
mauvais), pour exécuter cette besogne vers le bas.
Conclusion :
Voilà, le parfait kit du tailleur de moais. Il n’y a
plus qu’à trouver une grosse pierre et une place dans
le garage pour commencer. De quoi détruire bien des légendes.
Mais le tour du monde n’est-il pas une vaste entreprise de
démystification ? Heureusement, il y a le génie et
le talent des hommes qui taillent.
LES
PHOTOS / JDB /
PHRASES DU JOUR ILE DE PAQUES