JAPON 1 : KYOTO

L'autre pays des gens gentils

 

J205 mardi 26 mars 2013 Kyoto 14°C

Bel enthousiasme collectif dans la rue, après la fraiche nuit à Aoi-So-Inn, notre maison traditionnelle, et notre premier petit déjeuner agréable depuis très longtemps, avec croissants et beignets à la française raffinés à la japonaise de la boulangerie du coin de la rue. Les minuscules voitures cube alimentent les sourires et les spéculations concernant l’achat du véhicule familial au retour. Les gens sont tous comme des petits électrons urbains, dans tous les sens du terme urbain. Dire bonjour au Monsieur sans faire de bêtise. Faire fonctionner le distributeur de boissons. Comprendre le prix du ticket de métro sur la carte couverte de signes cabalistiques. Tout est une énigme. Signes ou comportements, nous sommes au pays des codes. Le métro à deux pas est parfait. La gare des trains plus propre que nos opéras très distingués. C’est là que nous allons chercher des informations au réputé Kyoto Information Center. C’est là, aussi, que les choses se gâtent et qu’apparaît un autre Japon.

IMG 7288 KYOTO SAKURASLes opérateurs parlent un assez bon anglais pour indiquer que tout ce que nous recherchons est impossible : maison à louer pour 1 ou 2 semaines, places dans les hôtels ce week-end de cerisiers en fleurs, taxi parlant anglais… Une chose est certaine, nos interlocuteurs sont incapables de nous aider. Leur but n’est pas de trouver une solution, mais de distribuer des prospectus et de se conformer aux procédures strictes débouchant sur les activités représentées ici et toutes saturées le plus grand week-end de l’année. Au deuxième niveau de la gare, le flux de correspondance est énorme, les courants d’airs aussi, le plafond de l’atrium central est à des dizaines de mètres au-dessus des têtes, il y a des trous pour laisser des aérations bienvenues pendant la canicule mais pas quand il fait un froid pareil. Même avec pull, polaire, doudoune sans manches et bonnet on souffre des courants d’air arctique. Et les cerisiers sont en fleur par froid glacial ? Seule aide réelle, l’ordinateur à pièces de 100 yens connecté à internet. Choupie fait sa provision d’informations négatives. Nous allons à l’agence de voyage privée du premier niveau. Deux des quinze employées parlent anglais. Il y a un guichet et une queue spécialement prévus pour les étrangers. Au bout d’un quart d’heure d’attente, aucune avancée. Nous quittons l’agence. Pas de maison, pas d’appartement, pas d’hôtel. Dans les maxi-courants d’air de la gare grise, coup de déprime collectif dans l’agitation, ou plutôt l’intensité du trafic, que l’on ne pourra pas apprivoiser. Le repos, après notre ruée chinoise, sera-t-il possible dans ce pays, ou allons-nous revivre l’expérience épuisante de l’Inde ? Nous nous réfugions dans un bon restaurant, pour notre premier vrai repas depuis 48 heures. Le serveur parle anglais et Garance commande un shabu-shabu qui arrive à faire sourire la famille à travers la fatigue. Métro, retour à la maison traditionnelle glaciale de Petit Monsieur, pas de wifi, mais un ordinateur à pièces et Choupie nous trouve miraculeusement un hôtel pour 3 nuits supplémentaires à Kyoto. Nous allons voir les cerisiers en fleur. Peut-être, car le Japon est un mystère pour nous et les surprises s’annoncent nombreuses.

Un peu de fatigue tout de même lorsqu’il s’agit de ressortir manger le soir au coin de la rue. La carte est affichée dehors, en plats plastiques peu ragoutants mais compréhensibles dans toutes les langues. Les ramens (grands bols de soupe aux pâtes de riz) et le thé sont bons, le minuscule restaurant bien chauffé.

En hausse : les Chinois

En baisse : l’espace vital

La phrase du jour : « Alors ? Il se passe quoi ? » Félix. « Ça ne va pas être simple » Choupie

Expérience

Pendant que Choupie tente de trouver des informations, Chris part acheter une carte SIM ou un téléphone japonais. Dans le grand magasin d’électronique, parmi les centaines d’employés, aucun ne parle anglais. L’expert de cette langue exotique qui est envoyé ne connait pas les mots rent, pre-paid ou minute. Ça va être difficile ici. Du coup Chris de retour à l’agence de voyage à oublié l’adaptateur indispensable pour les appareils électriques. Julia et Chris repartent vers l’électronique d’en face. Dès l’entrée, une jeune fille d’accueil reconnaît l’objet recherché grâce à un petit dessin sur un bout de papier. Beaucoup de beaux appareils photos et, au fond du magasin, un mur d’adaptateurs. Il y a des adaptateurs Japon / monde, un mur entier d’adaptateurs dont ceux Japon / Europe avec les drapeaux des pays concernés. Voilà la France, la Belgique est oubliée. Trouvé. Arrivés fièrement à la caisse, le jeune homme nous indique que cet adaptateur ne fonctionne pas au Japon. Effectivement, c’est même traduit en anglais, en petit, derrière, cet adaptateur ne fonctionne pas au Japon. C’est donc un adaptateur Japon / Europe, qui sert à s’adapter quand on n’est pas au Japon. Le garçon, fort aimable, retraverse le magasin avec nous pour nous trouver, le même adaptateur, mais qui fonctionne au Japon. Sur celui-là, il y a marqué, cet adaptateur fonctionne au Japon mais ce n’est écrit qu’en japonais, forcément, puisque c’est pour s’en servir au Japon. Logique non ? Et il faut dire qu’avec des engins de technologie aussi avancée qu’un adaptateur, une fiche devant, deux trous derrière, il faut rester attentif à toutes les subtilités de versions. Pour le prix de 130 Yens (1€) par adaptateur, nous faisons la folie d’en acheter deux. Julia et Chris, tout de même munis des adaptateurs, sont très contents de cette première expérience japonaise, totalement inefficace, mais parfaitement civilisée et sans la moindre agressivité, tellement loin du pragmatisme rustique et direct des Chinois, de la bonhommie désinvolte australienne, de l’humanité birmane sans ressources. « C’est nous qui allons devoir nous adapter ici » Chris.

Japonais ?

Vieux. Sûrs de leur passé. Malthusiens cultivant le sentiment d’avoir justement dominé leur monde par la force de leur intelligence, de leurs armes et de leur civilisation. Vieillissants. Accrochés à des valeurs civiles et longuement réfléchies par des hommes illustres. Persuadés que leur pays est le seul vivable et civilisé au monde. Ayant connu plusieurs Ages d’Or. Dirigés par des bureaucrates costumés incompétents qui s’autojustifient en simulant des oppositions. Profitant trois fois par jour d’une cuisine excellente. Volontiers donneurs de leçons. N’éprouvant pas le besoin d’écouter le son du monde dissonant qui va, sans avoir pris la mesure de leur génie. Les japonais sont des Français que s’ignorent.

J206 mercredi 27 mars 2013 Kyoto 14°C

Petit déjeuner français, on se réhabitue vite aux bonnes choses. Métro aux ajustements de métaux rivalisant avec la qualité suisse, marche. La routine Japonaise. Kyoto ne ressemble pas à l’image saturée que nous nous faisions du Japon. Larges avenues, trafic de voitures mesurées, jardins, bâtiments bas de trois étages maximum, ruelles de quartier avec petites maisons basses, arbres. Plus les vélos, que l’on n’entend pas venir (ils roulent sur les trottoirs et les passages cloutés), obligés de s’arrêter pour nous et pourtant jamais mécontents. Beaucoup de piétons comme nous, aucun touriste étranger, l’exotisme vrai qui plaisait justement à Victor Segalen. Tout est japonais : l’université architecturée à l’anglaise avec ses cerisiers en fleur et ses parterres de jardins balayés ; les masques de tissu blanc ; les petits pas des femmes aux jambes arquées ; les mini-voitures cubes ; les comptoirs de sushis à emporter pour Félix qui a toujours faim, les indications sur les plans. Même le désordre de restaurant abandonné est japonais. Après une assez longue marche d’introduction au Japon, quelques indications aimables, plusieurs « arigato » (le « merci » japonais) et beaucoup de grands sourires amusés et cordiaux, nous arrivons vers le canal des cerisiers en fleur.

IMG 7280 KYOTO SAKURAS ET NOUSEt là, magnifique. De moins en moins en moins de voitures jusqu’à plus aucune. Des cerisiers, tout le long du petit canal manucuré longé par un sentier de dalles de granit plates, penchés au-dessus de l’eau pour former enfin un tunnel blanc ouaté où les sons sont assourdis et les couleurs assorties au gris relevé de blanc nacré légèrement rosé des arbres en fleur. Plus beau et plus doux que tout ce que l’on peut imaginer. Les maisons en s’embourgeoisant font rêver le long des berges. Tout est à taille de l’âme humaine. Et c’est un des jours de l’année où il faut être ici. Peu de monde, comme nous discret et absorbé, que l’on finit par oublier, emporté par l’image des jeunes filles en tenue traditionnelle qui passent élégamment. Au Ginkaku-ji (Pavillon d’Argent), la mer de sable donne naissance à un mont Fuji éphémère blanc, les jardins magnifiques et les vues sur la ville, sont un autre un chef d’œuvre e nature entièrement maîtrisée, propice à l’introspection. Les saisons passent, pour animer la réflexion tournée vers une méditation interne, hors du temps et des hommes. Le Japon est une île. Il a développé sa mystique propre. La mousse amortit ce qui pourrait encore avoir été oublié. Le canal continue fleuri et doux. Nous ne pouvons pourtant pas nous arrêter à chaque temple ou jardin, il faudrait des semaines. Nous choisissons le meilleur uniquement : Hijo, nouveau chef d’œuvre. Ici, l’art est au jardin sec, grande étendue murée de petits graviers ratissés, animés par de lourds rochers symbolisant des tigres en train de traverser la rivière. Le bâtiment de bois poli et les panneaux des salles recouverts de feuilles d’or vieillies, de hérons, de tigres et de cerisiers en fleur assurent depuis des siècles un moment d’harmonie intemporelle maîtrisée. Et ici, en fin de journée de visite, par légère pluie fine, nous sommes presque seuls. A deux pas, encore un chef d’œuvre inscrit au Patrimoine de l’Humanité, le Konchi-In. Un chemin naturel, dont chaque pas a pourtant été pensé et mesuré, nous mène, sans contrainte, jusqu’à une pagode face à une vaste étendue de fins graviers gris lançant le regard vers un cirque de verdure. « Vous remarquerez, indique le livret, que la montagne en arrière plan fait partie de ce paysage reconstitué ». Equilibre et monde fini grecs. Par « reconstitué », entendre représentant un paysage réel, connu de tous les Japonais. Le chef d’œuvre pour nous seuls. Même en fin de journée bien remplie, un plaisir familial qui marquera le grand voyage. « Si j’ai assez d’argent pour m’acheter un grand château, je ferai une partie du jardin japonais, comme ça, en plus, Julia pourra se perdre dedans et elle viendra me voir. Quand je vais rentrer, je vais faire le jardin que j’ai en tête » Garance.

Un papy taxi très sympa nous prend à cinq, puis continue avec Chris jusque chez « Petit Monsieur en costume pour accueillir les clients», récupérer les bagages qui s’entassent sur la banquette arrière. Nouvel accommodation très traditionnelle avec chambres désertes, sol tatamis, panneaux de papier coulissants et bain public au sous-sol. Ça s’appelle un ryokan. La fatigue d’hier est oubliée. Le Japon ne se résume pas à la gare JR de Kyoto. Le Japon, un nouveau nouveau-monde pour nous.

En hausse : les Japonais

En baisse : la pure lumière d’Australie

La phrase du jour : « C’est dingue, j’ai l’impression que tout est mort ici. Les branches ne bougent pas, le ciel est tout blanc, les bruits sont sourds… » Garance. « Surtout quand tu es âgé, c’est pas mal comme pays » Julia. « Avec leur système, on ne sait jamais où se mettre » Choupie. « Magnifique l’harmonie, on sent leur culture graphique » Chris. « C’est agréable comme ambiance » Julia. « Regarde, il y en a un qui joue au golf » Félix. « Il y a de tout ici. Regarde-lui, comment il marche ! Ça fait pas très ville, Kyoto, en fait » Julia. « Hum, hyper-bons les sushis » Félix. « Oui, ils sont super-bons » Julia. « Tu vois les filles en kimono, j’ai trouvé que tout était beau. J’ai demandé à maman de mémoriser les coiffures pour la danse » Garance. « Là, c’est un mur de camélias de 7 ou 8 mètres de haut. On est plongé dans le Japon traditionnel » Choupie. « Il est beau le chat, on dirait un tigre. Les sushis, moi, je pourrais en manger tout le temps et ce n’est pas si cher que ça » Félix. « C’est calme » Choupie. « Le Japon, c’est calme partout » Julia. « Il faut que ça reste cher, autrement, ils vont être envahis » Choupie. « C’est quand même beau un cerisier. Dans notre jardin il en faut un, mais mieux taillé » Garance. « C’est beau » Félix. « Quand même, quand tu as cette entrée-là pour ta maison, tu es au-dessus » Garance. « Ça symbolise les 7 mondes » Chris. « Non, ce n’est pas celui-là. Ici, c’est les tigres qui passent la rivière » Choupie. « Elles sont classe les Japonaises » Garance. « 3000$ pour une soirée avec une geisha ! Pour ce prix-là j’espère qu’elle se déshabille ! » Félix. « Les gris sont bien choisis. C’est très subtil. Ils passent leur vie à chercher la perfection » Choupie. « Elles sont chouette ces pièces en tatamis  C’est beau. C’est bien, une pièce comme ça. Tu me files l’appareil photo s’il te plait ? » Félix.

« Ceux qui sont le plus loin de tout ça, c’est les Australiens » Choupie. « C’est tellement bien, on a peur de faire quelque chose et d’abîmer… » Garance. « C’est vrai, ça finit par influer sur notre comportement. On ne fait plus les mêmes gestes. On fait attention à tout » Choupie.

 

J207 jeudi 28 mars 2013 Kyoto 18°C

IMG 7361 KYOTO MUSEE MANGACela se joue à de petits riens, mais aujourd’hui est moins extraordinaire qu’hier. Aujourd’hui est une journée seulement exceptionnelle. Par temps de pluie, les parents accompagnent les enfants au Musée International du Manga. On y apprend beaucoup sur cet art typiquement japonais, issu de la mise en commun de talents d’artistes, de positionnements marketing imposés par les rédacteurs en chef des magazines, de segmentation des cibles, du besoin d’exprimer une certaine énergie vitale contrite dans cette société très policée. Une recherche de solution consensuelle policée à la japonaise. Le musée, dans une ancienne école rénovée aux planchers qui craquent sur une musique de Satie, escaliers en granito et matériaux d’origine, est une vraie réussite. On sent parfaitement, à travers les collections de dessins originaux, la qualité et la culture iconographique des dessinateurs et la discipline des enfants sages qui lisent sans effusions, la science japonaise des espaces petits et simples. On a aussi l’occasion d’y croiser quelques mangas vivants, de tous âges, venus réviser leurs classiques ou approfondir un point de détail. L’arbitrage du parfait graphique se fait au détriment d’autre chose. La rigidité manga s’oppose à la souplesse des dessins animés de vie d’Hollywood.

IMG 7372 KYOTO PAVILLON D ORAu Pavillon d’Or, l’or n’apporte que très peu, comme souvent, à part un surplus de touristes multiculturels. Et tout étranger vaut bien 100 Japonais en matière de lourdeur envahissante indigeste. « C’est pas mal réussi » Félix. « C’est beau, mais ce n’est pas vivant » Julia. « Tu as raison, on ne veut pas ça à la maison » Félix. Le jardin est très beau, mais il lui faudra encore quelques jours de printemps pour atteindre sa plénitude. Après déjeuner, nous empruntons un charmant petit train à un seul wagon, qui circule à travers des petites maisons et leurs petits jardins, au milieu d’un petit quartier aux cerisiers en fleurs. Attention au monsieur qui désherbe à la main le long des rails devant chez lui. Attention aux photographes professionnels venus prendre de bons clichés du wagon au milieu des fleurs dans une petite courbe agréable au voyageur et à l’œil. Tension vers la perfection, culture graphique unique, goût pour la miniaturisation, instinct très tôt formé au cadrage, les Japonais sont naturellement parmi les meilleurs fabricants d’appareils photo au monde. Le Ryoanji renferme un trésor, un jardin entièrement sec, de pierre et de graviers, entouré par un mur, réalisé par un moine Zen du XVème siècle. Le moine n’a donné aucune explication, ni indiqué pourquoi 15 pierres. Il a bien fait, car son jardin est ainsi parfait depuis 600 ans. Une merveille. Signe de qualité extrême, malgré l’accumulation des temples et le nombre de visiteurs, les enfants restent volontiers assis à contempler les petits blocs de granit savamment disposés au milieu d’un grand rectangle de graviers parfaitement ratissés. « Si on nous donnait une grande cour rectangulaire entourée d’un mur et des cailloux pour faire un jardin, on serait très loin d’arriver à ça… » Chris. Toute la famille est d’accord. « C’est cool le japon, parce que tu peux passer toute une vie dans un jardin comme ça » Julia. Un magnifique exploit d’un moine Zen qu’on imagine volontiers petit, malin, perdu dans ses pensées, avec une tête ronde et parfois un sourire amusé.

Continuer est une gageure. Chef d’œuvre à digérer, fatigue, marche à pied… même si un taxi nous téléporte. Tous les taxis japonais semblent conduits par des retraités souriants et bienveillants, ravis de prendre 5 personnes dont 3 enfants à bord. Nous continuons avec plaisir. A la recherche de la bambouseraie recommandée par les guides, nous remontons une allée de temples. Très intimes et simples, tous parfaits et scrupuleusement entretenus, il nous faudrait des jours pour les comprendre et leur rendre le culte qu’ils méritent. Le grand temple et sa pièce d’eau feraient partie des joyaux de tout autre pays, mais pas ici. Son jardin, lui, est un paradis de printemps. Choupie et Garance butinent en pensant à Annie, Julia rêve de couleur en odeur, les garçons admirent assis. Ce n’est pas le jour des bambous. Fin de journée, temps gris, ils seront plus beaux et accueillants par une chaude journée d’été et ceux de Pyn Yau Lyun, au Myanmar, nous ont marqués. Nous allons pouvoir rentrer. Le long de la descente, les arbres sont des camélias. « Prends peut-être la photo pour Annie » Garance. Nous avons appris un nouveau mot aujourd’hui : sakura. Les Japonais ont un mot particulier pour désigner les cerisiers en fleurs…

En hausse : le riz collé aux parois de l’intestin

En baisse : le luxe lourd occidental

La phrase du jour : « Comment ils font pour avoir des enfants sur les futons ? » Garance. « Avec des baguettes » Félix

 

J208 vendredi 29 mars 2013 Kyoto 19°C

Rien de pire que de passer une journée entière de voyage dans le hall d’un hôtel modeste pour accéder au câble internet du comptoir et écumer les sites de réservation à Kyoto, Nara, Cobe, Osaka et ne pas trouver une seule chambre d’hôtel disponible. A Tokyo aussi, la situation est complexe : pas un seul appartement meublé à louer dans cette ville gigantesque. Nous tentons d’établir quelques relais, agences de voyage ou immobilières. Sans succès. Et pourtant, le pire est bien loin. Petit déjeuner traditionnel tragi-comique parfait, attention Julia de ne pas enflammer ton yukata sur la flamme d’un des réchauds. Chambres vierges en tatamis. Gentillesse prévenante, discrète et compatissante du personnel qui tente de nous aider sans nous envahir. Nous vivons le Japon vrai. Une expérience agréablement déroutante, où nous sourions beaucoup, autant de nous que des Japonais, imperturbablement gentils. A force de recherches, nous trouvons un contact pour organiser le voyage, Daniel le Toulousain de Vivre Le Japon, deux appartements à Tokyo pour 15 jours, un pour la liberté des enfants ravis, un pour celle des parents soulagés, deux nuits d’hôtel à Nara et tous les tickets de train Kyoto-Nara, Nara-Kyoto-Tokyo. Les enfants se sont pris en charge et ont bien fait avancer l’école. Miracle, champagne ! Nous avons enfin reçu l’accord de la Région pour le permis de construire de la maison de Bruxelles.

IMG 7453 KYOTO SAKURAS LA NUITMasaya, notre Japonais malin du comptoir, n’a rien pu faire, à part chercher un peu de vocabulaire dans son dictionnaire, adopter une attitude qui nous a déchargés d’une partie de notre découragement devant tant d’énigmes insolubles. Ses amis, à l’autre bout du téléphone mobile, n’ont rien trouvé pour nous. Mais alors, comment Ayumi, sa collègue d’une timidité locale exacerbée, a-t-elle pu nous trouver un ryokan traditionnel comme nous aimons, bien placé à Nara, notre prochaine étape logique, un des week-ends les plus chargés de l’année, alors que tous les sites internet affichent complet depuis longtemps ? Avec son air contrit, ses mots d’anglais bien choisis mais si difficilement lâchés, ses mains plaquées à plat sur les cuisses et le regard la plupart du temps tourné vers le sol, nous ne comptions pas vraiment sur une solution de sa part. Ayumi en profite pour vérifier le prix, qui lui semble très élevé, d’un taxi direct jusqu’à notre hôtel suivant. Elle nous « recommande » le train pour nous et un transport d’hôtel à hôtel pour les bagages. Train pour les passagers, transport pour les bagages, c’est le genre de solution sophistiquée, complexe, optimisée et lourde à la fois que les Japonais aiment adopter systématiquement. C’est à la fois leur force et leur faiblesse : savoir le faire, ne pas pouvoir s’en passer. Ayumi s’occupe de tout pour nous. A Kyoto, nous ferons donc comme les Kyotoïtes. Bravo Ayumi et Masaya et « merci beaucoup ». Les voilà soulagés pour nous, heureux d’avoir pu nous aider, contents de nous voir contents. A force de rester la journée dans le hall d’entrée de l’hôtel, nous avons fini par remarquer une affiche de cerisiers la nuit. Nos nouveaux amis d’un jour nous recommandent d’y aller. « Beaucoup de monde, mais très beau ». Ça fera une sortie pour les parents ce soir. A midi, Garance, qui comprend et apprécie le Japon, a déjà profité de son plat de pâtes à l’italienne et Julia et Félix ont empilé des assiettes au bar à sushis sur un demi-mètre de hauteur. Et nous sommes munis de shampoing anti-poux. Aux bains déserts du sous-sol du ryokan, on a beau se laver au mieux, accroupi à la douchette, avant de s’introduire dans le bassin, on reste un animal poilu et rustre au pays du parfaitement poli.

En hausse : la nécessaire adaptation à plus de délicatesse après Australiens suivis de Chinois

En baisse : les fruits et légumes frais

La phrase du jour : « C’est peut-être, parce que c’est au Japon que j’ai passé ma seule nuit dans la rue, que je rêvais toutes les nuits que nous finissions par ne pas trouver où dormir » Choupie

 

Cerisiers la nuit

Magnifique. Comme certains événements marquants, le spectacle inoubliable des cerisiers la nuit donne l’image d’un monde réconcilié. Il vaut mille fois le voyage à lui tout seul. Magiciens des jardins et des tableaux composés, les Japonais peuvent encore travailler les éclairages et les cadrages de nuit, comme des kakemonos de grands maîtres. Les arbres sont tous différents. Isolé pour bien se faire admirer ou formant une allée argentée refermée au-dessus des têtes. Pleureurs, avec leurs fleurs qui retombent jusque parterre. Toutes branches tendues vers le ciel ou horizontales pour se rapprocher de leurs admirateurs. Les décors sont toujours choisis, entretenus, équilibrés, parfaits. Murs de défense à angle arqué en pierres inégales énormes exactement ajustées. Petit pavillon comme flottant sur l’eau. Portique supporté par une poutre énorme laissé entrouvert pour cadrer une composition à l’équilibre fragile. Bambous légers vert tendre qui allègent justement un arrière plan trop noir. Petit concert de trois femmes en tenue traditionnelle jouant d’une sorte de harpe horizontale à quelques cordes devant un décor reprenant pins, cerisiers, jeunets, orchidées. Charpente en carrés massifs relevée par des troncs frêles et des branches fleuries. Les Japonais de tous âges sont là, raffolant de leurs sakuras. Venir ici regarder, sentir, se détendre, n’est pas une activité réservée au vieux décatis. Les jeunes prennent des photos en groupe, les doigts formant le V de Victoire, qui sont déjà sur Facebook. Avec la nuit, le nombre des visiteurs s’évanouit. Et les Japonais sont tellement discrets, enthousiastes, mesurés, joyeux, bien élevés, qu’ils rajoutent à la fête et en font bonne partie. Et la nuit est douce puisque les cerisiers ont fleuri.

 

J209 samedi 30 mars 2013 Kyoto 23°C

IMG 7548 KYOTO PATISSERIE DES REVESNous partons en goguette, nous promener au milieu des cerisiers et des Japonaises en fleurs. Une ambiance de bords de Marne un été de Libération de Paris. Grand bleu. Sourires. Photos. « On a envie d’être gentils avec eux » Choupie. « Oui, on n’a pas envie de leur dire Montauban » Garance et des relents d’Inde et d’Audiard. Tout participe à la fête. Marrons chauds cuits à la vapeur. Certains préfèrent le moelleux japonais de l’étuve, d’autres le grillé français du charbon, question de goût. En tout cas, c’est bon. « Il y a des petits vieux qui ressemblent à des tortues » Choupie. « Oui, c’est ce que je vous ai dit le premier jour ! » Garance. « Il y a des fois, j’ai l’impression de voir mon grand père » Choupie. A peine engagée dans les rues piétonnes, la famille voyageuse est interviewée par la télévision japonaise. Nous voilà vedettes en plus. Trop forts ces Japonais. Sous les cerisiers de notre parcours du jour, beaucoup de boutiques, dont certaines très belles. Architecture intérieure traditionnelle parfaitement mise au goût moderne pour des encens présentés avec la même grâce que des bijoux place Vendôme. Eclair au chocolat gainé d’une feuille de chocolat, Paris-Brest supérieur ou tarte au citron faussement meringuée, tous sous cloche, à La Pâtisserie Des Rêves que Philippe Conticini enchante ainsi que Japonais ou Français en quête de pique-nique sucré. « Ho, c’est beau » Garance. « J’ai rarement mangé des pâtisseries aussi bonnes » Choupie. Julia ne peut rien dire, elle est trop absorbée à son plaisir. Salon de thé parfait par le charpentier qui a refait celui de l’Empereur chez un marchand looké de céramiques et peintures haut de gamme. Sur son livre d’or, Garance et Chris laissent une piètre signature au côté de magnifiques kanjis. Festival de superbes tenues traditionnelles ensoleillées, visages blancs et ronds, lèvres rouges dessinées, yeux faussement modestes en coin, chignons noirs sophistiqués, impeccables nuques dégagées à belle tenue. Ça leur va très bien. Le Japon, les cerisiers, les Japonais. « J’adore les cerisiers en fleurs. Si on pouvait en avoir un qui reste en fleur plus qu’une semaine… On voit beaucoup de choses extraordinaires et, à la fin, c’est plus extraordinaire… c’est vrai quoi… pourquoi tu ris tout le temps quand je dis quelque chose ? » Garance. Nouveau temple, nouveau jardin, nouvelles merveilles. Chaque fois que nous quittons un endroit, nous nous disons que nous aurions pu y rester plus longtemps, y revenir à un autre moment, une autre fois, sous la neige ou avec tous les arbres rougis par l’automne. Cette fois, nous avons nos livres avec nous.

IMG 7539 KYOTO Les pays qui ont réussi sont-ils condamnés à entretenir le passé, cultivant leur jardin d’un certain art de vivre, préparant ainsi les crises du futur ? « Le poids des morts est-il vraiment de plus en plus lourd sur les épaules de vivants » comme le prétend Auguste Comte ? Il nous reste un peu de temps pour aller à Ishibei-koji, une des plus jolies rues de Kyoto, le long d’un petit canal couvert de cerisiers. Dans la foule qui se presse, au milieu des photos de mariages, de Lolitas, de familles, de professionnels, de jeunes filles en tenues traditionnelles, la joie collective des Japonais est presque palpable. Elle nous enveloppe de son bonheur ouaté. Décidés à marcher et peu à quitter Kyoto, nous longeons la rivière que nous avions croisée le premier jour. Chris boit un verre de vin blanc local, invité par une bande jeunes Japonais ravis de se faire prendre en photo au Leica. A force de musarder, nous finissons les derniers hectomètres vers la gare en courant de rire.

Les villes sont grandes ici. Les trains de banlieue y sont pourtant paisibles comme au temps de la jeunesse de nos grands-parents. Les cerisiers, le long des voies mornes, ne sont en fleur que deux semaines, mais toute l’année en est éclairée, la neige d’hiver sur les branches et les bourgeons au printemps en plus. Après une journée pareille, il fait bon arriver sans encombre à Nara. Les taxis ne prennent pas ici 5 personnes ? Nous prendrons 2 taxis. Mais aucun ne connaît l’hôtel, ni la rue. En fait, l’hôtel n’est pas à Nara, mais à Miwa, à une heure de route d’ici. Le mieux, c’est de reprendre un train de banlieue. C’est un taxi qui nous indique le meilleur chemin, direct, mais depuis l’autre gare de Nara… évitant les deux changements préconisés par la fille de l’agence de voyage (toujours le goût des solutions complexes). Train encore, la fatigue en plus. Nous atterrissons de nuit, dans une sorte de no man’s land, mais rien ne peut nous enlever notre gaité ni notre amour naissant pour le Japon. L’hôtel est un ryokan familial parfaitement tenu en carré, avec jardin de détente en patio au centre. Malgré la fatigue, à jeun depuis hier soir à part les pâtisseries de rêve, nous dînons gaiment à l’auberge d’en face en testant tout ce que nous arrivons à manger : boulettes de poulet, foie, farce, gratin de légumes, bœuf de Kobe grillé, ragoût de bœuf, sauté de poivrons locaux, nous finissons même les réserves de riz en riant avec les tenanciers et les clients. Le Japon ne pouvait pas mieux être lancé.

En hausse : les détails qui commencent à apparaître, la légèreté du voyage, les pantoufles en skaï à l’entrée du ryokan

En baisse : la vulgarité

La phrase du jour : « Le Japon, c’est l’Italie de l’Asie » Julia

 

Pavillon

Lire au soleil sur les marches en bois surélevées d’un pavillon japonais… Le rayon calculé du soleil chauffe la première marche mais pas la deuxième. Chacun peut y trouver sa meilleure position. Une tasse de thé à portée de main, on hésite entre lire et regarder le jardin organisé souplement. D’une source de rêve à l’autre. Le maître du jardin a prévu le bruit d’une cascade, pour rappeler la fraicheur. Tous les sens sont retenus ici dans ce jardin de taille modeste.

 

J210 dimanche 31 mars 2013 Nara 20°C

Choupie et Chris partent passer la journée à Nara, ancienne capitale du Japon avant Kyoto puis Tokyo. Les enfants restent au ryokan. Sur le parvis de la gare « JR » de Nara, le marché bio, comme à New York, Paris ou Crapone sur Arzon. Spécificité locale, une féminité assumée, modernisée au rythme lent et harmonieux des sociétés qui maîtrisent une culture complexe ancienne. Bien loin de l’agressivité masculinisée anglo-saxonne.

IMG 7583 KYOTOSi on a du temps, comme nous, et l’envie de voir vivre une ancienne capitale d’empire devenue calme petite ville de province, on peut aller visiter Nara. Choupie a choisi le circuit « tour du grand parc ». A l’inverse des pays envahis d’étrangers, avec une fréquentation presqu’uniquement japonaise, on peut ici suivre le Lonely Planet, au lieu de le prendre comme base des lieux à éviter. Il fait gris, c’est la province. Il ne règne pas ici la joie de vivre communicative d’une première chaude journée de printemps, comme hier à Kyoto. Les jardins, loin des subtils œuvres d’art et d’équilibre de Kyoto, ont été commandités par de nouveaux marchands riches de la fin du XIXème siècle. Du sublime, au charmant un peu lourd, qui reproduit sans percer les secrets intimes. Nara augmente encore l’incomparable valeur des trésors de la belle et subtile Kyoto. Les magnifiques cerisiers sont en fleur. Tout le monde les aime et les photographie, du plus jeune au plus âgé, les hommes comme les femmes, tous indistinctement armés du plus modeste téléphone au matériel professionnel le plus sophistiqué. Comme Versailles ou le Palais de Justice de Bruxelles, le grand temple a été construit pour impressionner le chaland et exposer au petit monde la grandeur de ceux qu’il fait vivre. Ici, l’Empereur, le plus grand Bouddha en bronze du monde (400 tonnes de bronze et 170 kilos d’or pour faire bonnes mesures, pour l’art c’est une question de goût), un guerrier géant à l’air chinois. Un trou à la base d’un pilier en bois, et c’est Bouddha qui a laissé trainer une de ses narines. Les enfants qui passent à travers cette narine atteignent la connaissance. Joyeuse queue japonaise dans le temple. Mais aucun doute, si les anciens ont atteint une maîtrise absolue et presque miraculeuse des espaces réduits à taille humaine, ils ne connaissaient pas encore le secret des bâtiments géants.

Il y a un charme et une patine du temps particuliers à Nara, accumulation de cerisiers et de temples. Points de vue à flanc de colline, terrasses en bois au-dessus du parc, c’est la tranquillité assurée d’un dimanche de sous-préfecture. Dans le relai aménagé avec du mobilier d’école antique qui sent bon le refuge de montagne, le thé est gratuit, mais on doit ensuite laver sa tasse soi-même. On a gardé ici une mentalité de bon paysan. Aucun peuple n’a poussé la voracité au point limite des anglo-saxons. Et on peut venir se fiancer sur une terrasse située juste au-dessus de la canopée des cerisiers en fleur. Il y a même des biches habituées aux biscuits des touristes, dégénérées donc apprivoisées et des petits panneaux bouddhistes où laisser ses messages d’espoir. Retour vers la gare à travers Nara, ses rues couvertes animées, ses bâtiments pleins d’idées pour la maison de Bruxelles en travaux. Une belle journée en amoureux, à Nara, Japon.

En hausse : la délicatesse

En baisse : l’envie de rentrer à la maison

La phrase du jour : « Il y a très peu de gens qui voyagent vraiment, c’est dommage, ils perdent quelque chose » Choupie

Thé

Les femmes de Nara posent sur l’étranger un regard léger et presqu’interrogateur. Un peu d’eau chaude de sa grosse théière patinée soulevée avec grâce vers une mini-tasse translucide. La même théière maniée avec une douceur mesurée par ses mains graciles, pour remplir une autre tasse, munie d’un couvercle qui servira de filtre, et où infusent les feuilles de thé quelques secondes. La mini-tasse, maintenant réchauffée, vidée dans les profondeurs du plateau de bambou, le thé transvasé, le dessous de la mini-tasse séché, les deux mains la saisissent symétriquement pour la transmettre comme une offrande, bras légèrement pliés, port de tête altier, nuque légèrement courbée. Regard modeste et gai où se cachent au fond du noir une nuance de fierté et une pointe presque narquoise. Un rituel si bien maîtrisé que tout semble naturel et comme réalisé pour la première fois. Rapidement un tabouret de bois et toile écrue apparaît. On en oublie le goût du thé. Gène ou instinct ? Je me lève pour faire le tour de la petite place thé en main. Merci. Le thé était bon. La marchande de riz bio est grande, belle avec ses yeux en amande et son sourire enjôleur…

Aventure

15 ans, 13 ans, 10 ans, seuls toute une journée à l’hôtel dans la petite ville de Miwa, Japon, avec une mission : sortir avec de l’argent en poche, pour aller manger, à midi, en face, à la taverne de la veille au soir. Sans parler un mot de japonais, il faut déjà sortir. Vers 12H30, poussés par la faim de Félix, la force du groupe et le goût de l’aventure, les voilà sortis. La taverne est en face, à moins de 30 mètres en sortant à droite. Après hésitation de Julia devant la porte et encouragements de Félix, ils entrent. Manque de chance, la porte est ouverte, mais le restaurant fermé dimanche midi. Conciliabule. Autre restaurant ? Mais alors un restaurant inconnu ? Budget disponible ? Autre solution possible ? Une fois dehors, le danger semble moins grand, on peut pousser plus loin. Le parti est pris d’aller acheter quelque chose à manger dans un supermarché. « Mais tout est fermé le dimanche. Alors on a fait le tour du village ». « C’est grand. On a fait au moins quatre rues ». « Tout était fermé ». « A un moment il y avait un restaurant, ça devait être ouvert parce que ça sentait super-bon. Mais on n’a pas trouvé l’entrée. Alors on a continué l’exploration ». « On a trouvé un magasin ouvert mais ce n’était pas terrible ». « Oui, rien à manger vraiment ». « On a quand même réussi à trouver des trucs à manger : des Mentos 5 ou 6 paquets, des paquets de chips, du coca… » « Le monsieur était très gentil. Pour faire le compte, comme on ne comprenait rien à ce qu’il disait, pour chaque truc il tapait sur sa calculette et il nous montrait le prix et il disait « OTO » ». » C’était marrant. Cet aprèm on a fini les séries de français et de science ». « Ouai, c’était intéressant. J’ai appris des trucs que je ne connaissais pas ». « Et on a fait un poker Mentos c’était génial ». « Avec tous les trucs qu’on a mangés, j’ai mal au ventre ». « Ils sont vraiment sympas les Japonais. »

J211 lundi 01 avril 2013 Miwa / Tokyo 20°C

IMG 7628 NARALe petit déjeuner est toujours un spectacle visuel doublé d’une aventure gustative, parfois intense alors que l’estomac est encore endormi. Nous quittons à regret Miwa, son ryokan familial, son restaurant qui vaut bien des relais de postes, où seuls le hasard et la foule des cerisiers nous avaient obligés à venir dormir. Félix a discuté en anglais avec le propriétaire de l’hôtel qui lui a recommandé un temple très connu à deux pas. Pour un lundi de Pâques, faute d’agneau au four familial de Bandol, une visite shintoïste nous semble une bonne idée. C’est jour de marché et, sans le petit déjeuner tout frais encore, nous aurions pu débuter la journée avec des poulpes au soja, des sardines grillées ou un mesclun d’algues variées. Surprise pour nous, toute une foule se dirige vers les grands escaliers menant au temple. Le premier avril est donc jour saint partout dans le monde ? Le marché est en fait la cour des miracles qui suit le calendrier des pèlerinages. Les moines bien ordonnés sont vêtus de soies épaisses blanches et chaussures à hautes semelles de bois laqué. Les pèlerins tapent dans leurs mains devant les autels dans lesquels ils jettent des pièces qui sonnantes d’abord sur les lattes de bois puis trébuchantes dans le fond métallique. Certains se purifient avec de grands plumeaux de papier blanc, d’autres avec de l’eau de source. Tout est parfaitement tenu, sain, propre, clair, en plein air frais. Pas de sang, pas de prosternations, pas de déchirements, pas de clous, point d’ombre au tableau. Quelques coups de gong, pas plus. Miwa, le village ou son temple, ne sont pas référencés dans le Lonely Planet. Nous sommes les seuls touristes heureux ici, au milieu des croyants. Personne ne prend de photos près de la cérémonie.

IMG 7690 NARA BYE BYETrain pour Nara. Changement piéton de gare. Train pour Kyoto. Provision de sushis pour la route. Shinkansen (TGV japonais) pour Tokyo. Sortie à Shinagawa. La gare fourmille de Japonais affairés qui marchent en belles lignes noires à cols blancs. Hospitalité conviviale, pour trouver notre chemin dans Tokyo sans noms de rues, un jeune serveur de restaurant nous prête son Iphone (« C’est un Iphone 5 ! » Félix) puis se renseigne pour nous indiquer le bon chemin. Sens du service à la japonaise, Kasumi vient nous chercher devant le Macou Donaldou. Les appartements sont agréables. En soirée, dîner ramens, côte à côte avec de fervents employés de Canon (« les appareils photos… Ha ! Vous connaissez Canon ? ») et premières commissions dans un supermarché multiculturel, sous la gare. Les Japonais sont définitivement très bien civilisés. Le Japon transforme le Tour du Monde, en lui donnant une dimension nouvelle. Et nous sentons bien que ce n’est que le début.

En hausse : le carnet de notes

En baisse : la Japon traditionnel

La phrase du jour : « Il y a plein de Japonaises qui font penser à Jeannie ma marraine » Garance