 |
Vendredi
09 janvier 2004 : Bajo Caracoles - El Chalten - El Calafate
= 750 km de piste.
GMTFr : -4H 46° sud 72° ouest météo : grand
beau, nuages / le Fitz Roy
Contre toute mauvaise attente nous avons tous très
vite et très bien dormi. Nous étions plus fatigués
que nous le pensions. Et puis, qui dort dîne… Le petit
déj est largement supérieur au repas d’hier soir,
le pain est mangeable. Choupie appelle quelques hôtels à El
Chalten, mais, quand le téléphone du bar, qui bouffe
les pièces quoiqu’il arrive, fonctionne, tous ceux recommandés
par les guides répondent complets. Ce n’est pas le genre
de choses à nous faire douter. Nous trouverons sur place.
Nous c’est tour du monde, pas chochotte. Nous avons fait la
Carretera Austral, au Chili, nous. En revanche, comme il est maintenant
10H30, nous laissons tomber le détour de 80 km qui commence à la
sortie de l’hôtel pour aller voir le lac Posada. 400
km de piste jusqu’à El Chalten, c’est déjà pas
mal. Nous évitons donc le détour matinal de mise en
jambe de 160 km aller-retour. Mais c’est pour les enfants,
il n’y aurait eu que les parents…
La piste est bonne, toujours aussi large, mais le paysage moins beau
qu’hier. De la « pura pampa », sans agrément
particulier. Nous fonçons à 120 km/h sur le lit de
cailloux amortisseur. Nous ralentissons quand la couche de cailloux épaissit,
ce qui rend la piste glissante, ou quand la couche diminue trop,
ce qui rend la piste dure et inconfortable. Le Nissan Pathfinder
(Eclaireur ?) est au top. Très confort. Sauf pour la place
sur la banquette arrière, à trois sur un siège
et demi. Pounette elle, étant bien calée dans son siège
bébé à sangles. Au bout d’une heure et
quelque de ce régime, la piste devient plus intéressante.
Totalement désolée, puis plus animée avec le
passage au dessus d’une rivière.
A la sortie du pont, nous avons fait 100 km depuis le départ.
Avec les virages, les photos et les « guardaganados » (littéralement,
les gardes-bétail, barres en métal rondes et espacées
que le bétail ne peut pas passer), il faut discounter la vitesse
du compteur de 20%. A 120 km/h, nous avons parcouru 100 Km en une
heure. Bien mieux sur la Nacional 40 que sur la Carretera Austral.
Un autre monde aussi. Un tatou, mort celui-là, anime l’arrêt
pipi. Dans la pampa, à part des herbes au raz du sol, ce qu’il
y a le plus, c’est du vent et du soleil. Tatou, vent, soleil,
les enfants se régalent. Nous repartons, mais Julia et Félix
sont anxieux pour le tatou. Heureusement, guanacos et familles d’autruches
ont vite fait de leur éclairer les idées noires. Maintenant
la route est belle, nous continuons à la tailler. C’est
tout droit. Depuis l’hôtel, nous avons croisé quatre
ou cinq véhicules, voitures et bus compris et une maison.
Maigre, en près de deux heures. Il faut dire que nous ne suivons
pas les panneaux indiquant de rares estancias à trente ou
quarante kilomètres de la piste principale…D’après
le dueno du bar, la plupart des estancias sont abandonnées
car la zone est devenue trop aride. Vers midi passé, nous
nous arrêtons à la Angostura. C’est l’endroit à 200
km de la pompe à essence d’hier soir où nous
aurions pu dormir. Incroyable. Dans ce paysage super aride, la Angostura
est au bord d’un petit marais bourré d’oiseaux
et de superbes chevaux. Le gris pommelé est magnifique. Très
calme, très meseta espagnole, avec ses murs blancs et ses
fenêtres rouges. Il ne manque que les toros de combat et la
placeta pour les tientas. On peut manger bien sûr, on peut
même rester dormir, mais il faut attendre une heure . Vue la
route qui nous attend, nous préférons pousser jusqu’à l’estancia
suivante, la Siberia.
La piste est belle, les enfants très cool après quelques
minutes à jouer avec le chien de la Angostura. Nous fonçons
sur la grande piste. Il faut même lever le pied, car sans s’en
apercevoir, nous dépassons facilement le 140. Parfois, nous
montons une sorte de gigantesque dune, dans la descente, l’immense
pampa. Il faut le moral pour vivre ici avec un cheval et un couteau.
Depuis ce matin, nous avons vu quelques chevaux et deux hommes. A
cheval, la distance parcourue prendrait une semaine… Nous arrivons à la
Siberia. Trois ou quatre bâtiments. Murs jaunes, toits bleus.
Pas grand monde. Nous tentons ce qui semble être le restaurant.
La petite maison en haut. La minuscule en bas. Personne. Nous trouvons
enfin le comedor-bar, il est ouvert. On peut se servir un coup à boire
en attendant quelqu’un. Klaxon. Mais personne ne vient. Les
enfants jouent dehors dans un vent glacial au milieu des os de moutons
qui traînent par terre. Lugubre. La Sibérie. C’est
peut-être aussi bien qu’il n’y ait personne. Il
nous reste de l’eau et des boudoirs. Tres Lagos est à 100
km, nous y serons vers 14H30. Un peu tard pour le déjeuner,
mais il y a de l’essence et c’est indiqué comme
une ville sur la carte. Comme Bajo Caracoles. Et on the road again.
Les Andes parfois enneigées à droite, la pampa sèche
et ventée à gauche et devant.
A quelques kilomètres de notre Graal, essence, restaurant,
deux cyclistes. Nos premiers depuis la « 40 ». La « 40 » est
moins populaire que la Austral pour le vélo. Il faut dire
qu’ici, pas un gramme d’ombre et bonjour les distances.
Ils nous demandent de l’eau, mais parlent mal Castillan les
blondinets. Nous leur donnons volontiers une de nos bouteilles d’eau.
La direction du vent ? Nord ouest. Trois quart dans le nez et plutôt
fort. C’est comme une grande montée en vélo.
La prochaine estancia est dans 40 km… C’est la Siberia.
Bonne chance ! Tres Lagos, n’est pas exactement sur la « 40 ».
Ca la dessert. Peut-être que directement dessus elle se serait
mieux développée ? Ou bien, ses habitants n’auraient
pas supporté l’activité trépidante de
la « 40 ». Ce qui la dessert, c’est son architecture
aussi. Quoique le vent n’arrange rien. Il faut dire que tout
fermé, la rôtisserie à l’entrée,
définitivement, le supermarché entre midi et trois
heures, dans un bled pareil, c’est pas la joie. Peut-être
que lorsqu’il pleut, sans la poussière qui vole, c’est
plus gai ? Un gars à la jambe cassée qui n’a
pas eu le temps d’aller se planquer quand nous sommes arrivés,
nous indique un endroit où nous pourrons manger. Après
la camionnette à droite. Dans la maison d’une dame.
Télé allumée, table ronde en bois avec quatre
chaises, canapé et deux fauteuils Conforama local, buffet
années soixante en plastic blanc chiné gris avec collection
d’animaux en porcelaine et coupes de foot. Escalope milanaise,
frites, cannellonis à la verdure. Les cannellonis sont fait
avec des crêpes, comme hier soir. Mais tout est bon. Les fenêtres
et les rideaux sont fermés. Nous sommes à little Italia
ici, comme dans tout le pays et ses 35% d’Argentins d’origine
Italienne. Pour qu’elle ne s’ouvre pas sous la pression
du vent, il faut fermer la porte à clé. La mamie nous
montre la photo de quelques uns de ses petits enfants. Elle voit
du monde passer, beaucoup de touristes, fière d’être
la meilleure cuisinière du village et de vendre des repas à ses
voisins pour les fêtes du dimanche. Merci beaucoup. Il y avait
tout ce dont nous rêvions ici. Même la station service
YLF pour faire le plein après 400 km de piste.
El Chalten, c’est à 130 km. Il paraît que la route
est mauvaise. Trois heures dit la pompiste. On voit qu’elle
ne nous connaît pas. Nous fonçons. Le plein est fait
et il y a de l’essence à El Chalten. Mis à part
nos convictions écologistes lointaines, rien de choquant à brûler
le carburant en full 4X4. Nous quittons la grande piste au bout d’une
vingtaine de minutes. Effectivement la pénétrante est
très mauvaise. Ils sont en train de faire une route en goudron à la
place, tous les engins empruntent la piste qui passe d’un côté à l’autre
de la bande d’asphalte sur laquelle nous rêvons de monter
après la journée de poussière et de bruit que
nous venons de passer. Ce sera pour une autre fois. En revanche,
Julia et Félix sont éclatés par les « totanes » (dos
d’ânes, Félix dit « totanes » et Julia « totems »,
mais elle se trompe…) des premiers kilomètres. La route
fonce vers les Andes et des pics rocheux couverts de neige qui changent
de la pampa. C’est le Fitz Roy qu’on aperçoit
au loin. Un grand lac à gauche avec un glacier bleu qui se
jette dedans. Nous avons encore assez de lucidité pour trouver
le paysage beau, mais pas assez de force pour faire l’effort
d’aller au bord du lac prendre des photos. Et puis, nous n’avons
pas le temps, il faut trouver un hôtel sympa. Ce matin au téléphone,
tous complets. Les enfants sont bien sages depuis les totanes. Le
mont Fitz Roy est dans les nuages, mais on voit bien le glacier épaulé sur
le sommet de la montagne à côté. Très
beau spectacle. Nous apprécierons plus tard. Enfin El Chalten.
Tout de suite dans l’ambiance de la nouvelle frontière
des routards rendonnaures et alpinistes. Ici, c’est comme à Hawaï.
Sauf que pour pas avoir l’air naze, il faut troquer le Oxbow
pour la North Face et la planche de surf contre les bâtons
de ski aide marche et le sac à dos montagne pro. Faut aimer
l’ambiance, le vent froid chargé de poussière
et les auberges de routards. Un peu tard pour nous, un peu tôt
pour les enfants. Nous cherchons un bon hôtel, pas une place,
puis une bonne auberge, pas une place non plus. Le clou est dans
une auberge routarde qui a l’air sympa. Il reste à la
fille une chambre de cinq lits superposés. Mais nous nous
sommes mal compris. Il lui reste un seul lit dans la chambre. Elle
pensait peut-être que Choupie et Chris, debout devant elle,
allait le prendre pour eux deux ? L’endroit, par vent de nord
ouest froid, ciel couvert, poussière énorme et sommets
dans les nuages n’est pas vraiment celui annoncé par
les guides. Nous revenons aux basiques. Pourquoi sommes-nous ici
? Pour profiter de El Chalten. Pour profiter de El Chalten que faut-il
faire ? Aller marcher, environ six heures pour voir les lagunes,
huit pour aller voir le glacier ou faire de l’alpinisme. Les
trois musts du coin. Si nous faisions de l’alpinisme, vous
le sauriez et nous n’avons pas l’intention de commencer
l’initiation demain. Personne dans le groupe n’a envie
d’aller marcher dans le froid, le vent et le brouillard demain.
Avec toute la meilleure volonté du monde, nous n’avons
plus rien à faire là. A l’unanimité. Nous
sommes tous d’accord. Nous sommes décalés d’une
demi-journée depuis Chile Chico à cause du problème
du permis pour la voiture. Pour retrouver le bon rythme de la route,
qui nous aurait permis de faire le plein à Bajo Caracoles
mais dormir à l’estancia la Angostura, il faut aller
dormir à El Calafate, près du glacier Perito Moreno.
100 km jusqu’à la « 40 » et 130 km ensuite
jusqu’à El Calafate. Le plein est fait. Avant ce nouvel
effort, notre meilleur moment à El Chalten. Dans la confitureria
en bois, facile à reconnaître, c’est le seul endroit
sympa, à boire un bon chocolat chaud artisanal et à manger
tartes au citron meringuée, au dulce de leche (confiture de
lait, spécialité argentine) et aux pommes-noix. Tout ça
près du poêle. Quelques forces avant un effort de 250
km de piste déserte et un bon souvenir.
Et nous revoilà sur la piste. Il y a des jours comme ça… sans
fin, mais avec le sourire. La lumière du soir dans le dos
pendant la descente des Andes vers la pampa éclaire les montagnes,
le lac, la piste. Tout est beau. Nous nous remettons à prendre
des photos, contents d’avoir pointé à El Chalten
mais sans s’être laissés planter sur place en
perdant la soirée et la journée de demain. Nous reprenons
l’initiative. Une attitude qui nous convient mieux que la méditation
et l’attente. Nous fonçons, mais tranquilles, à 100
km/h. Les enfants attendent avec impatience les totanes. Nous décollons
pas mal de fois. Choupie se cogne la tête contre le plafond,
Garance, qui a bien compris la manœuvre, rigole comme une folle à chaque
bond du 4X4. Merci monsieur Nissan. Nacional 40, « plus » que
130 km jusqu’à El Calafate. Bilan de notre escapade à El
Chalten. 200 km, la distance Nice Marseille, par la piste, pour aller
boire un chocolat chaud. Pas très rationnel avec trois enfants
en bas âge, mais tous très contents d’avoir vu
la grande montagne et la nouvelle Mecque des grimpeurs.
Sur la carte, il y a un Parador un peu plus loin. Il est au bord
d’une rivière, pas pour nous… Il faudra envoyer
un mail à Parador Espagne, qu’ils voient ce qu’ils
peuvent faire pour que cette bicoque change de nom. 100 km. La lumière
est superbe. C’est notre coucher de soleil sur la pampa. Nous
sommes bien contents de rouler plutôt que d’attendre
dans le froid et la poussière là haut. Nous avançons.
Ambiance concentrée cool, qui permet même de s’arrêter
pour prendre des photos d’une rivière et de ses gorges
ou de la piste et de l’ombre de ses pierres. Dans la lumière
rasante du soleil qui est passé sous les nuages en se rapprochant
des sommets andins. 75 km. Dans le dernier tronçon, Garance
craque. Coincée dans son siège auto depuis près
de dix heures elle hurle sa désapprobation et son envie d’arriver.
60 km. Et puis une embellie inattendue : la piste devient route et
tout le monde se détend. 30 km. 0 km. Enfin.
A El Calafate, il y a des auberges à routards, des petits
hôtels locaux sympathiques et un hôtel de standing international.
Après nos 4000 km de pistes, les cabanes chiliennes et le
relais de poste pourri d’hier soir, nous n’hésitons
pas une seconde et profitons à 100% d’un bon lit, d’une
vraie salle de bain propre, de la TV et du room service ! Standing
international . Comme dit Choupie, « quand ce n’est pas
au standard, il y a toujours un stress, ici, il n’y a pas de
stress ». Mais il y a du bruit. Ca, nous ne le savons pas encore.
Midas n’a pas de succursales dans la ville. Dommage, nous aurions
pu dormir plus longtemps demain matin.
Rien n’est parfait en ce monde…
La phrase du
jour : "Depuis
toujours on a roulé. Alors ils sont habitués à la
route, hein, les enfants" (tu parles !). Choupie.
LES
PHOTOS / POUR GAGNER DU TEMPS /
PDJ Argentine EN RAB