Journal de bord
CHILI 2
Janvier 2004

GMTFr = heure locale au méridien de Clermont-Ferrand.
-4H => 12H (midi) à Clermont-Ferrand = 08 Heures du matin à Santiago

Mercredi 14 janvier 2004 : Puerto Natales profond.
GMTFr : -4H 45° sud 74° ouest météo : beau puis couvert pas de vent
Rendre le 4X4 sans se faire arnaquer par le loueur. Trouver un hôtel à Ushuaia bondé. Aller chercher les billets pour aller de Puerto Natales au parc du Torres del Paine par la mer en bateau puis par la rivière en zodiac. Faire relaver la voiture. Aller à la governacion pour mettre la pression sur le loueur malhonnête. Heureusement, à midi, déjeuner au Maritimo. Le break. Le bol d’air local et bon. Trouver un transfert, pour huit personnes, du Torres del Paine à Punta Arenas. Chercher des billets d’avion pour aller de Punta Arenas à Ushuaia, ou un mini-van, au cas où la route vaudrait la peine. Retourner chercher l’extincteur chez le laveur. Trouver des gants pour les enfants. Assurer le passage des arrivants, Gilbert et Evelyne, de Rio Gallegos, Argentine, à Puerto Natales, Chili, de nuit. Voilà. Une journée à Puerto Natales, Patagonie chilienne, quelques milliers d’habitants. Comme à Paris, New York ou Londres. Mais pas comme à Bruxelles.
Dix heures et demi du soir. Il ne fait toujours pas noir. Le vent est complètement tombé. Le fjord est totalement lisse. Des enfants jouent à la balançoire. On dirait que les bateaux sont posés sur une vitre. Une vraie ambiance de loin. Une vraie ambiance de fin de routes australes.
Demain, on nous promet du grandiose à nouveau avec le Torres del Paine et ses pics blancs de neige. Depuis l’Europe c’était très lointain, un peu mystérieux, un brin magique. Torres Del Paine. Depuis hier nous avons la carte détaillée du parc. Même éditeur et même présentation que pour Atacama ou la Carretera Austral… Un bon signe, avant de tuer le mythe. Gilbert et Evelyne arrivent à 2h30 du matin, 6h pour faire 300km, pas très performant le chauffeur. En fait il a crevé à l’aller et recrevé après 50km avec ses passagers. Manque de bol la roue qu’il a ne s’adapte pas, l’estancia d’à côté est déserte. Alors, pour bien dépayser les nouveaux arrivants : autostop, montée dans un camion, dîner de viande dans un restau-hotel plus que sommaire sur la route. Heureusement la roue est réparée, la nuit sera courte mais Gilbert et Evelyne sont arrivés à temps pour le transfert en bateau au Torres del Paine.
La phrase du jour : "La maman de la maman de la maman lalala… lalala de la maman de ta maman, elle était un singe. Et elle ne savait même pas" Julia.

Jeudi 15 janvier 2004 : bateau et zodiac dans le vent.
GMTFr : -4H 45° sud 74° ouest météo : nuages, grand vent

Il faut se dépêcher. Chris fonce chez Navimag à côté pour laisser le 4X4 qui doit monter ce soir sur le ferry et rejoindre Puerto Mont en quatre jours. Un trip que nous aurions bien fait aussi. Pendant ce temps, réveil de toute la troupe, habillage des enfants, tentative de petit déj à toute allure, fin des bagages. La malle cabine spéciale remontée de la rivière avec enfants est bourrée. Couches, biberons, bonnets, gants, fruits, bonbons. De quoi tenir un siège et ne compter sur personne pendant toute la journée. Il est question d’annuler le départ du bateau qui doit remonter le fjord Ultima Esperanza tellement le vent est violent. La note de l’hôtel payée, le 4X4 en sécurité, tout le monde réveillé. Le bateau va partir. Force 6 ou 7, c’est juste la limite. Nous arrivons, comme toujours à la bourre. Mais nous avons des circonstances atténuantes : le départ n’était pas certain, nous avons trois enfants, il fallait être sûr que la montagne de bagages (près de 200 kg) soit prise en charge et rejoigne bien notre hôtel dans le parc du Torres del Paine directement par la route, nos derniers renforts sont arrivés à presque 3H00 du matin et se sont réveillés après une nuit très courte, celle de la veille passée dans l’avion. Il y a du vent. Les dernières photos de Puerto Natales seront bonnes.
Le bateau appareille. Il est bourré. Quarante ou cinquante personnes réparties dans la cabine du haut et du bas. Sur le pont il y a un vent qui donne un petit avant goût de cap horn. Au fait, qui a la malle cabine ? Pas Choupie. Pas Maud. Certainement pas Chris. Personne. Elle est restée dans le hall de l’hôtel. Choupie fait part de son problème méga à l’un des marins. Elle est prête à faire faire demi-tour au bateau. Le marin dit oui oui. Il comprend, fait un mètre, pousse la porte de la timonerie, se met dans un coin sans même ouvrir la bouche pour ennuyer le capitaine avec une broutille pareille. Il va falloir passer la journée sans la survie. Le plus difficile, c’est pour les couches de Pounette. La dame en bas avec un bébé n’en utilise plus… Un coup de téléphone à l’hôtel confirme que la malle cabine est là-bas. Elle va prendre le transfert avec le reste. C’est déjà pas mal, car pour ne pas l’oublier nous l’avions rangée bien à l’écart du reste des bagages.
Nous remontons le vent, la vague et le courant. Le vent, c’est à cause du glacier, masse froide qui provoque une haute pression, plus haut, dans le parc des Torres del Paine. La vague, c’est à cause du fjord, tout en longueur, dans le sens du vent. Le courant, c’est la rivière qui descend de la montagne et toutes les cascades que nous croisons qui partent rejoindre la mer du fjord. Un sacré cocktail. Gilbert estime la force du vent. 30 nœuds, 35 nœuds, 40 nœuds dans les rafales. Même quand le fjord tourne ça souffle. Dans les coudes, c’est encore pire, ça accélère. Un marin passe en disant que ça va mouiller. Ca mouille déjà pas mal… Nous rentrons tous. Et ça se met à mouiller vraiment. De l’eau partout. Et ça se calme, vent et eau. Nous longeons une colonie de cormorans impériaux au ventre et ailes blancs. La colonie d’otaries promise, elle, est totalement passée sous silence. Ce sera pour un autre voyage. Un groupe de Grecs extrêmement sympas, qui parlent tous français et des Italiens vénitiens francophiles aussi auraient certainement été nos amis sur le Skorpios. Nous échangeons des infos. Nous donnons celles du nord, les Italiens donnent celles du sud, Punta Arenas, une belle ville, Ushuaia, une belle vie aussi.
Nous arrivons à destination, au calme, pour une petite « caminata » (marche) vers le glacier Serrano. La moitié des glaciers de la région s’appelle Serrano, aucune chance de se tromper ou d’oublier le nom… Un très bel endroit. Un glacier qui descend directement du Campo de Hielo sud pour se jeter dans un petit lac qu’il alimente en magnifiques icebergs blancs et bleutés. Très serein. Pas de vent. Pas de bruit. Il fait presque chaud et 2 anglaises n’hésitent pas à plonger dans le lac en sous-tif-culottes. Des glaçons aux formes arrondies et douces. Rien à voir avec sa majesté Perito Moreno, le grandiose. Un petit glacier et une température plutôt douce dans la région, la glace est poreuse, pas d’une dureté métallique comme celles que nous avons croisées jusqu’ici. Les nouveaux arrivants dans le groupe sont assez bluffés. Navigation dans le fjord, animaux, vent, cascades qui se jettent directement dans la mer, glacier, icebergs… après la piste de la nuit dernière, l’Europe est loin derrière. Pour notre petit groupe aguerri, tout est normal, une bonne journée « comme d’habitude ».
De retour sur le ponton, changement de liquide. Nous passons du fjord à la rivière qui se rejoignent ici. Changement d’embarcation. Nous prenons un zodiac. A demi couvert. C’est du cousu main chilien et ça protège bien du froid et des embruns. Les combinaisons thermiques épaisses de 10 cm et les gilets de sauvetages aussi. Heureusement. Retour du vent. Les vagues, elles, ont disparu mais il y a maintenant un courant d’enfer agrémenté par endroits de petits rapides. A quinze sur le zodiac, avec deux moteurs de 50 chevaux seulement, (mais ce sont des Enduro Yamaha…), il faut toute la science de la rivière de Miguel pour avancer sans encombre jusqu’à ce qui finit par être notre terre promise, l’estancia où nous allons manger. A deux heures et demi de l’après-midi, le petit déj ultra rapide de ce matin commence à être loin. Sauf pour Garance qui dort tranquillement dans la cabine.
Comme prévu, les box-lunch ne sont pas terribles, mais comme imprévu, la malle cabine avec les sandwichs de survie est dans le bus. Heureusement, il manque deux boites déjeuner. Cela permet à Chris de manger un excellent ragoût de mouton purée maison. Pour les toilettes, mesdames, c’est derrière la case en bois, le trou dans la terre avec les planches autour. Rustique mais, discret, jamais en panne et à l’abri des regards et du gel des canalisations. Juste le temps pour Julia de faire un petit bouquet et nous revoilà sur le zodiac. Comme nous sommes chanceux un des gauchos de l’estancia deniche une vieille couche poussiéreuse de sa fille pour Garance.
Nous continuons à remonter la rivière Serrano. Bientôt nous apercevons le massif des Paine. Paine, « ciel bleu ». C’est le vent qui doit dégager le ciel… C’est beau. Lointain, mais beau. Le spectacle est sur le zodiac. Nous approchons de notre ponton suivant, juste au dessous de chutes respectables au débit impressionnant. Le zodiac, que Miguel met au milieu des remous moteurs au point mort, tourne comme une toupie. Le bruit est assourdissant, l’eau tombe de plusieurs cascades et tourbillonne, le zodiac tourbillonne aussi. Les enfants se régalent, tous les grands aussi. Le vent ici est terrible. Il est difficile d’attacher le zodiac ou d’ouvrir les yeux dans le sable qui vole. Garance continue à dormir tranquille pendant le déchargement.
Nous marchons une dizaine de minutes pour rejoindre de nouveaux zodiac au dessus des chutes. Avec combi thermiques, gilets de sauvetage, sacs sur le dos, enfants dans les bras, c’est long. Comme les « hodiacs », comme dit Félix, sont plus petits, nous répartissons le groupe en deux. Nous dans l’un, les autres dans l’autre. Le paysage est de plus en plus beau, nous approchons des Torres. En plus, nous profitons du spectacle de nous sur l’eau en regardant l’autre bateau. Les eaux sont plus calmes, le vent moins violent, les oies sauvages et les canards plus nombreux. Et nous arrivons à notre dernier ponton du jour, à l’entrée parc, face à l’hosteria Tyndall, notre hôtel. Au passage nous avons vu le glacier Tyndall, magnifique langue de glace plate au loin.
Comme prévu, les réservations de France ne correspondent pas à ce qui était prévu. Nous verrons bien demain. Le cuisiner du Tyndall n’a pas dû faire ses classes dans les plus grands restaurants internationaux, tant mieux, mais pas chez une bonne cuisinière chilienne, non plus. Dommage, tout le monde avait bien faim. Mais tout le monde dort bien dans les chambres lambrissées. Choupie et Chris regardent les photos du Perito Moreno, car Chris n’arrivent pas à faire le tri. Les photos sont magnifiques. Le Perito Moreno c’était beaucoup plus beau que ce que nous avons pensé quand nous y étions. Nous voilà avertis, il faudra rester un peu plus attentif et peut être un peu moins fatigués. Les nouveaux arrivants auront certainement plus de mémoire vive disponible. Tant mieux, ça va réveiller l’intérêt de tout le monde. Boum. Dodo.
La phrase du jour : "ce sont des anglaises" Choupie devant les baigneuses du lac gelé ; "non, ce sont des otaries" Julia.

LES PHOTOS / POUR GAGNER DU TEMPS / PHRASES DU JOUR EN RAB


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