Journal de bord
AUSTRALIE
KIMBERLEY (DERNIERE FRONTIERE)
Mai 2004

800km dans la journée Jeudi 06 mai 2004 : le North Kimberley vu du ciel.
GMTFr : +6H00 16° sud 129° est météo : nuageux
Pour Choupie et Chris, réveil très matinal, petit thé, décollage à 6h00 avec Alligator Airways. Pas grand monde à l’aéroport, mais le soleil est levé depuis longtemps. Sept places plus le pilote, nous embarquons pour le grand tour du North Kimberley, la partie la plus sauvage de la région la plus vierge d’Australie.

Nous suivons la rivière de plus en plus large et chargée de terre jusqu’à son embouchure. Après cinq semaines de sécheresse, cela donne une idée de ce à quoi cela peut ressembler pendant la mousson, recouvert d’eau marron partout. D’ailleurs ici, de nombreux animaux naissent pendant la saison des pluies. Du vert, du marron, des étendues de boue immenses que les cours d’eau innombrables semblent irriguer. La mer, marron elle aussi. Adolphus Island, Cap Lambert, King George Falls, très belles, passage au dessus de Faraway Bay Lodge qui ne fait rêver ni Choupie ni Chris, même à 1.500 € la nuit, atterrissage au bout de près de deux heures de vol à la mission de Kalumburu. Des catholiques missionnaires qui surveillent une communauté d’aborigènes inoffensifs perdus au milieu de rien. Rien que de pacifique au bord de la mer du Timor. Les catholiques ne font pas grand chose depuis leurs exploits de la dernière guerre mondiale, qui a aussi fait rage ici, contre les Japonais, les aborigènes ne font rien du tout, ce qui est leur habitude depuis 20.000 ans. Ils ne sont certainement pas dangereux, à 400, isolés à plusieurs centaines de kilomètres d’autres communautés encore plus petites, sans aucun moyen de communication, coupés du monde quatre à cinq mois par an au milieu du marécage géant que devient leur région. Maillots de basketteurs américains ou jupes taille 80, appuyés par terre contre un mur à l’ombre en train de manger des barquettes plastic de pâtes à la tomate en boite achetées au fast-food, aéroport, Toyota, Enrounis (engins roulants non identifiés), chips, touristes, épicerie, ils ont tout ce qu’il faut, pour entretenir un besoin compulsif de l’argent avec lequel les perfuse le gouvernement. Leur équilibre ancestral est définitivement rompu, ils n’ont pas été programmés pour s’adapter, dans un monde où le seul prédateur connu est le crocodile. Il leur faudra 20.000 ans pour digérer la « civilisation ». Les Australiens de notre petit groupe, tous grands voyageurs sur leur propre continent, n’y prêtent guère attention. Fatalité, habitude ou gène ? Les maillots de basket des enfants, taille adulte, traînent par terre et servent aussi de culotte, la morve coule de tous les nez, le sol et les environs sont d’une saleté repoussante, les enfants ont le sourire et les plus téméraires viennent chercher les chips que nous leur proposons de partager. Pas de photos, ça nous semble indécent, venir en avion, passer une demi-heure, prendre des photos, repartir. Mais quelques sourires échangés. Près de la piste d’aviation très courue, nouvel arrivage de touristes.

Nouveau long vol à vibrations alternatives incontrôlées. Très beau bord de mer, plage de sable blanc désertes, eau toujours aussi trouble mais devenue verte ou bleue. Choupie, malade, utilise pour la première fois de sa vie le petit sac étanche. Vibrations, plus soupe de crème fraîche avec quelques pâtes dedans d’hier soir, plus chaleur d’enfer dans l’avion, un cocktail difficile à digérer. Deux « souvenir bags » remplis. Le plus bel endroit de la journée est le Mitchell plateau et ses magnifiques cascades d’écume blanche qui tombent au milieu des parois rouges. Il faut encore survoler de l’immensité plate quadrillée de cours d’eau pendant un moment avant de se poser à Drysdale Station. Un lieu mythique.

C’est le relais qui donne normalement accès au North Kimberley. Il devrait pouvoir être atteint par la route, un truc pour nous… mais la grosse saison des pluies l’isole cette année pour quelques semaines de plus. Impossible de traverser les marais, même avec les meilleurs 4X4 du monde, il faut attendre que ça s’écoule, que ça sèche. C’est Yhin qui assure le transfert, en Toyota rallongé bleu. Physique d’haltérophile en moins de 80 kg réformé par la bière, jambes très solides, épaules carrées, ventre proéminent, peau tannée, short et débardeurs noirs, cheveux d’étoupe blanche et grise, ce sont les extrémités qui frappent chez Yhin. Pataugas et guêtres couleur sable sur jambes nues en bas, chapeau culotté en cuir de vache tanné maison coquettement agrémenté d’une large lanière de crocodile certainement braconné à la main, yeux bleu clair, car les yeux sont les extrémités de l’âme, et celle de Yhin est délavée.

Choupie, pour se remettre de ses émotions, évite le Kimberley Burger, en partant du bas : pain, salade, betterave, viande, salade, tomate, oignon, fromage, ketchup, œuf, ananas, bacon, pain (TEVJDB). Elle se rabat sur le plain burger, le même, sans la dernière couche, œuf, ananas, bacon. Le tout accompagné d’un convivial panier de frites de purée pas cuites et d’un Coca, indispensable pour dissoudre les graisses et stimuler la digestion.

Yhin nous raccompagne à l’avion, plein d’essence, retour long, une heure et demi, avec survol de Ranges (sortes de coteaux), comme meilleur point de vue du retour, au milieu de la platitude inondable. Ici, on comprend qu’on ne va pas changer le monde, c’est lui qui nous change. Aujourd’hui, nous n’avons rien vu de fantastique mais nous avons compris des choses. Un pays plat, immense, inondé une grande partie de l’année, et coupé par des déserts géants, des aborigènes déracinés sur leur propre terre, des distances considérables entre les points d’intérêt et les hommes, qui ont permis, ou imposé, des échanges peu nombreux sur un territoire peuplé de façon extensive et un continent pratiquement sans aucun contact avec les autres jusqu’à l’arrivée de James Cook, deux cents ans plus tard que Christophe Colomb en Amérique ! Seuls les moyens de transport modernes permettent de se déplacer dans cette immensité, mais certainement pas de la vaincre. Le plan de vol indique 881 km de coucou, à un seul moteur hélice, aujourd’hui.

En Australie, l’aventure est ailleurs. Dans la taille du pays, les distances à parcourir, les gens tous différents et sauvages à rencontrer, le challenge à accepter. Nous nous trouvons bien en Australie, nous profitons de l’enthousiasme non surfait de ses habitants blancs very casual. La famille se retrouve au complet autour de la piscine pour les entraînements plongeons et corde à sauter. La nourriture au secours fuyons de l’hôtel nous pousse à manger des choses simples dans la chambre devant un film américain de courses de chevaux. Félix promet d’aller aux courses quand il sera grand. Espérons qu’il ne tienne pas toutes ses promesses…

La phrase du jour  : « Les grands ça a le droit de rigoler aussi des fois. » Julia.

Coucher de soleil depuis la runawayVendredi 07 mai 2004 : arrivée aux Bungle Bungles.
GMTFr : +6H00 17° sud 129° est météo : nuageux

Route et pic-nique sur la N1 pour aller jusqu’au parc. Dégonflage des pneus à 50 km de la piste que l’on nous a promise terrible, trois heures pour faire 53 km. La piste est agréable bien que pas très rapide, c’est le début d’une nouvelle aventure, elle a découragé presque tout le monde, c’est déjà beaucoup. Il a plu cette nuit, nous franchissons quelques rivière avec de l’eau jusqu’au bas des portières, il nous manque la rallonge de tuyau d’échappement qui va jusqu’au toit. Une heure et demi pour faire les 53 km sans forcer, ce n’est pas les moyennes de la Nacional 40 en Argentine mais c’est mieux que les trois heures des débutants.

Le campement, tentes en cercle au milieu du bush, grande tente cuisine salle à manger au centre, douches ouvertes en bois d’un côté avec eau courante chaude, toilettes trou en bois de l’autre, est top luxe. Choupie et Maud inspectent les tentes à la recherche d’araignées, Anna et Greg, les tenanciers baroudeurs sous contrat, sont très sympas. Magnifique nuit de pleine lune dépassée, une sorte de hibou local terrorise les apprenties aventurières qui ont pris le risque d’aller jusqu’aux toilettes avec une torche et reviennent en courant.

La phrase du jour  : « Là, on est en pleine nature ! » Félix.

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