Journal de bord
AUSTRALIE
KIMBERLEY (DERNIERE FRONTIERE)
Mai 2004

Un bon mécano sur la Gibb River Road Mercredi 12 mai 2004 : LA Gibb River Road.
GMTFr : +6H00 18° sud 126° est météo : grand beau
Zeebedee springs, six kilomètres du camp, c’est tout le contraire de Emma Gorge, un minimum d’effort en terrain plat pour un maximum de retour sur investissement en eaux chaudes et limpides. Les enfants surtout, adorent aller d’une baignoire naturelle à une autre, d’une eau chaude à une eau tiède, faire des canards pour attraper des cailloux au fond de l’eau. Ca fait du bien à tout le monde de se reposer un peu, Garance en profite, après la journée difficile d’hier, sans baignade et sans sieste pour elle.

Ensuite c’est le plaisir pur de la grande piste, longue, rude parfois, surtout au début, mais au bon goût d’aventure simple. Les kilomètres défilent dans le bon sens après 10 parcourus dans le mauvais sens. Des rivières avec pas mal d’eau à traverser, un pic-nique dans la voiture, des baobabs, quelques floodways (route inondable ou ruisseaux) un peu durs, une station service du bout du monde, une piste secondaire pendant 90 km (d’ici ça paraît un petit détour), pour aller dormir à Morningtown, un camp paraît-il très sympa, mais avec 20 derniers kilomètres qui nous prennent une demi-heure. Les tentes grand luxe, sur pilotis sont superbes. La présence d’araignées grosses et nombreuses permettra de faire avancer le jdb. Repas de fête avec barramundi en beignet, bien gras. La friture, la seule façon de cuire le poisson dans les pays anglo-saxons. En sortant de la paillote restaurant, Chris tue un scolopendre en se disant « dommage, j’aurai du le montrer aux enfants d’abord ».

La phrase du jour  : « On est sur l’île des pirates » Félix (avec un palmier à côté). 

La tente de Old MorningtownJeudi 13 mai 2004 : insectes.
GMTFr : +6H00 18° sud 126° est météo : nuages
Inutile de décrire Diamond Gorge. Elle est belle, courte et très photogénique, ce qui est toujours bon à savoir pour ne pas être déçu une fois sur place quand on a vu les photos dans les guides. Son principal intérêt spécifique, pour nous qui n’en avons jamais fait et pour tous ceux qui viennent jusqu’à Morningtown, c’est de pouvoir être parcourue en canoë de location jaune (il y en a un vert pour les solitaires), à l’heure de la box lunch omelette à l’eau du camp. Nous la canoëions donc, comme toutes les personnes présentes ce jour là sur place. Nous y ajoutons notre touche de « french flair » (NDRL : en français dans le texte), en descendant les « rapides » face au parking à canoës, ce qui donne des idées à de charmants Australiens plus anciens. Le meilleur moment de la journée pour JF et leur père.

En revanche, pour aller à Diamond Gorge c’est tout de suite à gauche après les toilettes, inutile de faire 45 km de piste déplorable, aller-retour, jusqu’à la sortie du camp, pour être bien certain de suivre une fausse piste. 2h30 pour rejoindre la gorge située à 23 km, record à battre. Et puis comme ça, même les jours de « repos », on a notre dose de bagnole… Choupie en a profité pour faire ses premiers tours de roues sur la piste, elle est déjà plus rapide que les papis Australiens qui nous empoussièrent à moins de 30 à l’heure en ligne droite. Heureusement, à l’aller comme au retour, la traversée d’une immense flaque de boue égaye un peu le détour. Notre Nissan ressemble de plus en plus à un Jackson Pollock des meilleures années. Nous allons pouvoir le revendre cher. Avec une décoration pareille à Paris, où les 4X4 servent uniquement à monter sur les trottoirs ou se faire monter dans les parkings, on rentre facile aux Bains. Et encore, c’est le videur qui vous fait la bise.

Nous n’avons plus la force, ni l’envie, d’aller voir la Gorge de Sir John. Dommage, nous aurions pu y voir les wallabies des rochers à grandes oreilles (TEVJDB), dont la conservation est le but ultime du camp de Morningtown. Quelques heures de repos à la place, font grand bien à toute notre équipe.

Le soir, après un repas un peu moins incertain que la veille, avec cependant gravy sauce et compote de pommes dans notre assiette unique fortement composée, les enfants jouent au relais sur la grande pelouse éclairée, commencent une collection de papillons de nuit aux ailes crèmes pointillées de rouge et de bleu. Nous nous levons, le grand frère du scolopendre d’hier passe dans le sens inverse, côté jardin vers côté cour. Plutôt que le tuer direct comme la veille, mais aussi respectueux des convictions de ses hôtes et prêt à saisir l’opportunité, Chris appelle les enfants qui rappliquent, toujours plus avides de nouveaux animaux à mettre dans leurs bestiaires personnels que d’aller se brosser les dents. Coup de torche sur le scolo, tout le petit monde, en amphi extérieur, enregistre : forme, couleur, façon de se déplacer, pas mortel mais venimeux, celui-là petit, d’autres plus gros, plus méchants, jamais pieds-nus ici, ni ailleurs. Au contact difficile, voire lointain avec les mammifères, le scolo en pleine lumière se sentant observé, accélère ses cent pas. Une touriste allemande accélère le sien en passant devant notre assistance médusée, fait mine de poser le pied à côté du scolo, puis écrase le scolo en nu-pied cuir noir mode, le scolo retourne sa queue restée libre avec une rapidité incroyable et mord l’Allemande qui n’avait rien vu. La touriste donne un furieux coup de pied en l’air, faisant valser sa chaussure et disparaître l’insecte, écrasé à moitié, vers les étagères à bouquins sur la faune et la flore du Kimberley, au serpent en terre cuite et au bocal à scolopendre géant chloroformé. La touriste qui n’a rien vu crie, tout le monde a vu la scène au ralenti sans dire un mot. Blanche, elle s’écroule proche de perdre connaissance, demande ce qui l’a piquée, s’informe pour savoir si elle va mourir. Elle parle bien anglais, elle sera non (she will not). Rassurée, elle reprend des couleurs et parvient même à se lever bientôt.

Le problème, avec la nature, c’est que lorsqu’on la laisse faire, elle reprend ses droits. Ici, on ne les lui a jamais retirés, elle les a gardés, elle est comme chez elle, les insectes aussi. Autour de la tente boab (baobab) des parents, Huntsman 1 est sous la planche de la fenêtre de la douche, petite, tendance à l’immobilité, Huntsman 2 est derrière le frigo, moyenne, déplacement très rapide, Huntsman 3 a retrouvé sa place de choix au dessus de l’entrée moustiquaire, grosse, aucun déplacement, inconnue noire à traits jaunes sur la trappe moustiquaire, invisible, trappe fermée depuis hier.

Maintenant, 22h30, à Morningtown, extinction du compresseur et donc de toutes les lumières du camp. Tout le monde va pouvoir dormir tranquille, sans penser à rien.

La phrase du jour  : « Papa, tu as une grosse araignée sur ton dos. » Julia sur le canoë. (Les huntsman flottent parfaitement sur leurs pattes) (TEVJDB).

Julia, Félix et le crocoVendredi 14 mai 2004 : lassitude ?
GMTFr : +6H00 18° sud 122° est météo : couvert
Départ sur les chapeaux de roues, à travers les 23 K (pour km, les abréviations saxonnes finissent toujours par avoir raison des abréviations latines) de piste pourrie qui mènent à la sortie du camp de Morningtown. Adieu araignées, scolopendres, grenouilles. Ensuite, 58 K de tapis volant sur le sable lisse bien tassé planté de magnifiques baobabs, entrecoupés de quelques passages de floodway avec ou sans eau au fond, mais toujours avec cailloux. Hibou, chou, genou, le Nissan Patrol est un fantastique joujou, nous remplissons ses réservoirs à Imintji. Lavage des pare-brise, vitres, phares et longue-portée. Julia porte, Félix nettoie, un grand succès auprès des Australiens toujours très cool et sympas. Nous ne regrettons pas ce camp, situé le long de la Gibb River Road, où il avait été question de s’arrêter un moment. Morningtown, encore un bon choix de Choupie.

Windjana Gorge serait une gorge de plus, sans ses murailles noires, (il n’y a pas que du rouge et du orange en Australie), ses baobabs qui poussent à flanc de roche, ses crocodiles d’eau douce qui ouvrent un œil, mi-intéressé mi-rieur, quand on les approche de près sur le sable. Félix et Julia, en experts avisés mais prudents, posent pour la photo épate famille-copains, à distance raisonnable, un bâton à la main, un œil vers le photographe, un œil vers les crocos. Garance, pour bien montrer son indépendance et sa désapprobation des méthodes expéditives employées à son deségard, repart vers la voiture, main dans la main avec une mamie Australienne charmée au passage pour les besoins de sa cause. Elle marche sagement, bien droite, sans se retourner, fière de son coup.

Nous attendions beaucoup de Tunnel Creek, la rivière Tunnel. Ce n’est pas mal, mais ce n’est pas l’attraction majeure que nous retiendrons du Kimberley. Petite marche les pieds dans l’eau, dans le noir, éclairés par des torches. Comme souvent, ce sont les enfants qui trouvent la voie la plus joyeuse, ils jouent à la grenouille dans les marres souterraines et finissent par se baigner carrément sur le chemin de la sortie. Fin des attractions inland du Kimberley, reste un bout de piste avant le goudron et le bord de mer.

Les journées commencent à se ressembler. Pas d’état d’âme, mais la monotonie, ou pour être plus juste, l’uniformité gigantesque, de l’Australie, pèse. Ca sent aussi un peu l’écurie, la débauche d’énergie du dé-espoir, l’envie confuse, un peu désordonnée et inconsciente, d’en faire le maximum avant le retour. Le voyage d’Australie, taille et extrémité (le premier, le dernier), ressemble beaucoup à celui du Canada. Une virginité en moins, un minuscule bout de sagesse en plus. Voyager finit par ressembler à un quotidien, favorable, mais à un quotidien quand même. La fatigue physique du territoire et celle aussi de la performance, acceptée, imposée, recherchée, entretient un fond de lassitude morale, la conscience d’être partiellement inconscient ou infécond à ce que nous vivons. La recherche, maintenant moins naturelle et plus systématique, du sensationnel obscurcit un quotidien ensoleillé.

Mais la lumière continue de briller. Les enfants sont en pleine forme. Ce soir sur la route, le soleil éclaire les nuages par en dessous en rose, les baobabs détachent leur ombre chinoise sur le ciel orange. Un bout d’Afrique radieuse est entré dans notre 4X4, notre tdm passe par un continent de plus.

Sur la route de Broome, à 165 km de l’arrivée d’une étape qui en compte plus de 700, dont 400 de piste mythique, on peut s’arrêter dans une roadhouse. Bien tenue, les patrons sont accueillants, la cuisine a un bon air de famille. « Attention aux vaches pendant les cent prochains K, quatre personnes sont mortes en percutant une ruminante plus agressive qu’il n’y paraissait ». Un conseil de la tenancière, elle aime bien les jeunes plein d’entrain qui voyagent. Pays sauvage où il faut même se méfier des vaches quand elles ne sont pas folles.

A Broome, 20h30, tous les hôtels sont pleins, sauf le Cocos et son bungalow N°2, à trois chambres nickel sans bestioles, qui est exactement ce dont nous rêvions. Quand on est aussi content d’arriver à Broome, (c’est Broome quoi !) et qu’on a l’impression de retoucher la civilisation en arrivant dans un trou pareil, c’est qu’on est passé par des endroits qui étaient plus retirés du monde que ce qu’on y a ressenti quand on les a traversés. Et qu’on est plus fatigué qu’on ne l’imagine. Même le Mac Do semble accueillant. Sur le chemin cimenté qui mène au bungalow, Chris écrase un scolopendre. Sauvage pays !

La phrase du jour  : « c’est cool ici, il y a même un mac Do ! » Julia, arrivée à Broome.

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