Vendredi 21 mai 2004 : 5578 + 4422 + 10.000
GMTFr : +6H00 24° sud 118° est météo : beau
Au départ de Broome, après quelques minutes de voiture, le compteur trip B, celui que nous ne remettons pas à 0 tous les matins, affiche 4422. Plus les 5578 roulés avec le premier Patrol laissé à Darwin, ça fait exactement 10.000 km avalés en Australie. Sans indigestion. Car ici, c’est le jeu et la règle, pour voir un beau spot, il ne faut pas hésiter à faire mille K. Nous traversons de bon matin, d’une traite, le Pilbara. Un désert, avec une roadhouse, éventuellement moins pourrie, si on a de la chance, mais toujours tous les 300 km. Lancés à travers une immense étendue plate rougeoyante, recouverte de bush clairsemé, parfois quelques marrais aux nombreux oiseaux.
La côte par endroit sera très belle, c’est pour l’étape d’après. Au bout de 900 km, nous apercevons les « ranges », enfin du relief qui va épicer le plat paysage. Nous faisons un stop à l’Auski tourist village, roadhouse située à l’entrée est du Karidjini National Park, notre destination. Aucune envie de nous arrêter pour passer la nuit dans une cabine Algeco, manger des frites molles, nous tentons Tom Price, seule « ville » à des centaines de K à la ronde, même si cela impose de continuer jusque de l’autre côté du parc. Tom Price, fondée en 1962 pour exploiter un des plus riches gisements de fer du monde, 3.500 habitants. Ville minière, succession de baraquements en tôle (ici les maisons ne sont pas construites sur place mais apportées sur des roadtrains), pelouses proprettes, centre commercial sommaire à l’éternel fish & chips éclairage néon bleu et odeur de friture ancienne, location de vidéos (tu m’étonnes…). Et deux motels, l’infâme et le terrible. Notre budget nous permet d’aborder le mieux des deux. Notre family room foutrait le cafard au plus vacciné des backpackers, avec ses briques peintes en rose pisseux, son éclairage de fumerie d’opium, ses plaques de contre-plaqué de deux millimètres clouées au mur pour cacher on ne sait quelle misère. Mais le clou c’est le restaurant, formule idéal buffet pour morfales peu regardants, succession de plats non identifiables ou que nous n’osons identifier, sodas chimiques verts fluo à volonté, gâteaux dont l’origine est à coup sûr un sachet déshydraté. Découragés, nous nous rabattons sur des bibi choco et des soupes en sachet.
La phrase du jour : « A chaque bled on croit avoir touché le fond, et bien non, il y a toujours plus trou ! ». Choupie.
Samedi 22 mai 2004 : Karidjini.
GMTFr : +6H00 24° sud 118° est météo : grand beau
Le parc national de Karidjini abrite des roches parmi les plus vieilles de la planète, 2.500 millions d’années. Au début, tout était recouvert par la mer, les couches de sédiments se sont transformées en roche, la terre soulevée s’est craquelée, l’eau s’est engouffrée dans d’énormes fissures. Les gorges, ainsi taillées dans le plateau, sont parmi les plus belles d’Australie, rouges fer oxydé. La piste du matin a été rendue très glissante par les pluies de la nuit, sorte d’argile rouge qui colle à tout ce qui s’approche et colore de façon définitive tout ce qui a l’imprudence d’être touché. Le peu d’affaires correctes ayant résisté au voyage finiront ici.
Nous commençons par la Hamersley Gorge. Piste rouille mouillée, proche d’une mine de fer à ciel ouvert géante, kangourous au bord de la piste. On a beau s’y habituer, on s’arête toujours et tout le monde est content. La gorge est très belle, l’eau descend de goulets étroits en piscines creusées dans la roche noire ou en toboggans parfaitement lisses vers une étendue verte et orange. Bel échantillon de roches pour géologue et de polissages pour amateurs d’art contemporain.
Notre stop suivant est la Joffre Gorge, peut-être un ancêtre de Choupie ? Très belle vue depuis un balcon, avec des gens qui se baignent tout en bas. C’est rageant de ne pas pouvoir descendre. Renseignements pris en criant vers en bas, il faut faire le tour par derrière la gorge, pour descendre par la face opposées à celle où nous sommes. Long, difficile, glissant. Il en faut plus pour nous décourager, ou peut-être moins pour nous décider. Nous y allons. Pic-nique prévu en bas. Nous marchons autour de la gorge, à travers des pierres qui semblent toutes cacher un serpent, assez loin pour pouvoir traverser la rivière en amont, à pieds presque secs. La descente est assez verticale, les roches polies par des millénaires de ruissellement, vraiment glissantes et dangereuses, un panneau indique que des pythons verts des rivières ont été vus ces derniers temps par ici. On s’en doutait, du coup des serpents. Heureusement, les enfants restent toujours prêts et attentifs dès qu’il se passe quelque chose d’intéressant selon leurs critères : nouveau, inattendu, tension chez les adultes... En bas, le même pic-nique que dans le 4X4, mais plus au large, plus nature. Au fond de la gorge, parois verticales avec notre perchoir de tout à l’heure en face, des flemmards qui ne viendront jamais jusqu’ici dessus, (mais on est toujours le flemmard de quelqu’un), petit passage étroit et glissant dans l’eau, qui donne sur un amphithéâtre dans lequel tombe la cascade de notre rivière de tout à l’heure. Un effort largement récompensé. Le retour est plus facile et, en suivant les points jaunes, invisibles à l’aller, beaucoup plus rapide.
Nous finissons la journée en parcourant les différents points de vue sur des gorges impressionnantes et en évitant la plus courue de toutes, trop fatigués et pas convaincus qu’elle soit la plus belle. Denier sursaut d’énergie pour aller voir le mont le plus haut de la région, à quelques kilomètres, mais une fois à pied d’œuvre, il faudrait marcher deux heures et personne ne nous l’avait dit. Avec tous ces petits détours, encore 300 km de piste aujourd’hui. Heureusement, une ville animée et un hôtel tout confort nous attendent, pour une inoubliable fin de journée. Samedi soir à Tom Price, ville minière de 3.500 habitants, située à plus de 1.500 km de la prochaine trace de civilisation. Surprenant bon chinois et unique restaurant local. Les moules au chili sont excellentes, c’est notre radeau de sauvetage du soir.
La phrase du jour : « Quand j’étais petit, je savais rien du tout. » Félix.
Dimanche 23 mai 2004 : la route encore.
GMTFr : +6H00 22° sud 114° est météo : beau
650 K, nous partons avant 9h00, nous arrivons avant 15h00. Rien à voir, rien à dire, rien à écrire. Quelques kangourous écrasés au bord de la route, un serpent qui se dépêche de traverser, avant marron, arrière orange. Devant, Chris et Choupie ont épuisé les sujets de retour, les amis dont a des nouvelles, ceux dont on en manque, les maisons à Bruxelles, les appartements à Barcelona, les meubles, la vie en Suisse, les projets de langues pour les enfants. Derrière on lit, on râle un peu, sanglé dans son fauteuil bébé, on joue à la cabane ou aux animaux du tour du monde avec orque, dauphin et tyrannosaure en plastic.
Exmouth, le coin le plus touristique entre Darwin et Perth, distants de 5000 K. Un nouveau trou grave, nationale avec Algeco de chaque côté. Pas vraiment le petit port de Méditerranée que nous imaginions… On a du mal a trouver une accomodation décente. On la trouve et surtout, dès demain, les requins-baleine, les plus gros poissons du monde, à approcher en palme-masque-tuba.
La phrase du jour : « Ici les aborigènes étaient là depuis des milliers d’années, comme les indiens de chez nous. » Julia.