Journal de bord
AUSTRALIE
L'Outback (le hors arrière ou le très reculé)
Avril 2004

ChercherLundi 19 avril 2004 : Coober Pedy fin du monde et les Breakaways.
GMTFr : +7H30 29° sud 135° est météo : désertique tempérée
Nouveau lever du soleil pour Chris en solitaire. Ville endormie, ciel qui s’éclaircit, petits nuages pommelés oranges vifs éclairés par en dessous, qui deviennent roses fluo sur fond bleu électrique. Déambulation automobile silencieuse dans le silence matinal de Coober Pedy, ville fantôme en activité, née de la ruée vers l’or opale. Au cimetière de voiture, on trouve des carcasses désossées de modèles américains rangés par ordre d’ancienneté, un Australien hirsute responsable des programmes pour enfants et récréatifs, sur radio Coober Pedy, qui promène ses chiens. Avec son look, on lui confierait difficilement une prostituée, mais il est très sympa. Il habite une caravane près du terrain de basket. Selon lui, contrairement à ce que disent les politiciens, l’Australie ne pourra pas subvenir aux besoins de 50 millions d’habitants. « Regarde, ici rien ne pousse et les animaux qu’ils ont amenés n’ont pas grossi, pour ceux qui n’y sont pas morts. Ils les ont tous rembarqués. » Il finira peut-être comme grand journaliste politique redouté, sa veine à lui.

Belle luminosité de début du jour. Mais la poussière blanche concassée fin recouvre tout. Les chiens en bande gardent leur pâté de maison. Les hommes ont creusés partout. Ils sont partis des mornes de pierre, devenus le centre de Coober Pedy et rayonné autour. Les mines épuisées du début ont été aménagées en maison, en église, en magasin. Ce qui servait à creuser, une fois usé jusqu’à la corde, a été laissé sur place. Les veilles automobiles aussi. Un optimiste a amené un catamaran en bois totalement délabré, ou il s’est délabré depuis son arrivée stockage, car personne n’est intéressé par autre chose que les opales ici. Les portails sont consciencieusement fermés, on ne fait pas confiance à grand monde à Coober Pedy. Quand on ne trouve pas, on ne veut voir personne. Quand on trouve, on ne veut que personne vous voit. On ne parle pas beaucoup non plus à Coober Pedy. Les chiens gardent le portail.

Comment des endroits comme ça peuvent exister ? Par la force d’attraction de l’aventure des opales, plus que par l’appât du gain. On ne fait pas fortune, à Coober Pedy, c’est évident, on y croupit. Que des maisons troglodytes, dans des mines abandonnées. Des hommes qui creusent partout, avec des moyens archaïques et dérisoires, des voitures à l’arrière coupé en deux pour pouvoir y souder des engins bricolés. Ca ne sent pas la richesse, on est loin de Monaco ou de la Californie. Ca ressemble plus à une fin, un cul de sac en forme de pelle excavatrice qu’à un eldorado, au début de la grande vie. Ils ont creusé, creusent et vont creuser partout. Les riches ne viennent pas se perdre dans ce genre d’endroit, ils ont un instinct pour savoir comment s’enrichir ou prospérer. Ceux qui se sont enrichis sont partis, on ne reste pas couvert de poussière, au fond de son trou de jour et de son trou de nuit, quand on peut vivre ailleurs. Le jour au fond de la mine, loin de la lumière, la nuit dans sa tanière, loin de la vie. Un petit espace d’air pur pendant le chemin qui mène de la mine travail à la mine repos. Toutes les machines en activité sont vieilles, rouillées, rafistolées. On tire sur la corde pour essayer d’être rentables. C’est de l’artisanat minier ici, pas de l’exploitation à ciel ouvert.

60% d’Européens, beaucoup d’Asiatiques. Les premiers n’ont rien laissé derrière eux, une Sicile sans travail et mafieuse, une Grèce pas encore dans l’Union Européenne et commandée par des généraux… Les seconds, en bons commerçants, se sont installés comme restaurateurs ou comme grossistes en opales, on ne descend pas dans la mine quand on descend de la plus ancienne culture du monde. 80% de la production mondiale d’opales sort des entrailles de Coober Pedy. Les tas sortis du fond de la mine changent de couleur selon le type de pierre concassé et le temps d’oxydation à l’air libre.

Pour la suite de la journée, Félix est déjà sur pied après sa nuit agitée, mais Maud reste se reposer à l’hôtel en se remettant de sa gastro ou intoxication, les autres partent faire le tour des Breakaways. Une « loop » (boucle) de 70 km à travers le désert de pierre autour de Coober Pedy. La piste est déserte, l’immensité plate des paysages rappelle la Patagonie Argentine tout en étant totalement différente. Nous sommes en plein cœur du pays continent. Les éleveurs du sud ont construit une barrière anti-dingos (les chiens sauvages venant du bush du centre qui attaquent les troupeaux) de 5.800 kilomètres ! Les Breakaways sont des collines escarpées aux couleurs extraordinaires, du safran au rouge en passant par toutes les nuances de l’ocre, du brique et du vert de gris. Nous les approchons, en faisons le tour en 4X4, grimpons au sommet. C’est absolument superbe. Et dans ce grand pays où les pionniers sont encore légions, pas de survol en hélicoptère ou deltaplane, pas de surf sur sable et autres activités Néo-Zélandaises polluantes. La nature à l’état pur, personne à l’horizon. Le grand bonheur. C’est notre deuxième désert (sec) depuis le départ, avec Atacama au Chili. Ca donne l’idée de faire un tdm des déserts, mais avec quelques spots de bord de mer pour se remettre de l’exigence physique de ces endroits beaux mais fatigants. Avant de retrouver le goudron du retour, nous traversons le champ de mines des 11 miles. Une très bonne veine, des opales très dures de la meilleure qualité. Des trous partout, des machines partout avec le petit tapis roulant qui rejette la poudre concassée en haut du tas. De loin on voit le nuage de fumée de la poudre qui tombe. De près, on ne voit jamais personne. Tout se passe en sous-sol. Les joies de courte durée, la vie qui passe, les grands drames.

La pizza du Sicilien en ville est digne de celle de Pizza Hut, il n’a pas d’huile d’olive. C’est sa désertification à lui. Après-midi consacré à établir le plan de remontée vers Alice Springs. Route, piste, Oodnadatta ou not Oodnadatta, désert de sable ou pas du côté du Simon Desert ? Personne ne connaît la route au delà d’une cinquantaine de kilomètres. Nous en avons 800 à faire…Coucher de soleil familial, à la recherche de belles images à conserver, qui nous amène jusqu’au golf club et au club de tir, juste à côté de la piste de stock-car. Julia et Chris ont un secret. Le papa a offert une magnifique opale à 2$50 à sa fille, qui l’a choisie elle-même. Cette nuit, gastro de Julia. Espérons que Garance sera épargnée.

La phrase du jour  : « C’est ma première pierre non montée… » Julia avec son opale.

Se serrer les coudes à Coober PedyMardi 20 avril 2004 : Painted desert et Oodnadatta.
GMTFr : +7H30 28° sud 135° est météo : désertique tempérée
Bagages dans l’entrée de l’hôtel, nous partons pour la visite de la mine désaffectée qui est creusée dans la même butte que notre hôtel (nous avons quitté les chambres troglodytes pour des chambres avec fenêtre). Il devait y avoir beaucoup d’opales ici. Après le petit film dans la salle très obscure, les opales et Coober Pedy, leurs vies, leurs œuvres, nous nous enfonçons un peu plus. Les niveaux « supérieurs », autour de 10 mètres de profondeur, ont été reconvertis en appartement « dugout ». Tout le confort moderne : moquette, canapé, cuisine intégrée, néons à tous les plafonds, télévision, salle de bain, toilettes avec évacuation à 60 mètres de profondeur garanti sans mauvaises odeurs. Il manque juste les fenêtres, mais, sans climatisation, la température est constante entre 20 et 22°C toute l’année, même pendant la saison chaude, quand il fait entre 45 et 55°C dehors. Moins cher à l’achat qu’une case de plein air, aucun entretien, très peu de consommation d’électricité car pas de climatisation, 100% matériaux naturels et recyclage total, le dugout est l’habitat écologique parfait. Il ne manque que les fenêtres. Ensuite, nous descendons un étage et déambulons dans les couloirs de la mine. Il reste même une veine d’opales. Presque de quoi rêver. Petit aparté pour les femmes raffolant des pierres : les opales que nous connaissons en Europe, blanches et irisées, hongroises et anciennes pour la plupart, sont dites laiteuses ici et ne sont pas d’une grande valeur. Les plus recherchées sont les foncées, aux couleurs très vives, dans les verts, bleus, violets avec souvent plusieurs couleurs d’éclat sur fond bleu. Elles sont tellement colorées que cela fait faux, le résultat est très kitch et, ni Maud ni Choupie, n’ont craqué.

Les renseignements, comme partout dans l’Outback, c’est jusqu’à la prochaine étape, après, personne ne sait, il faudra demander sur place. Difficile d’établir un programme sur plusieurs jours et quelques milliers de K (kilomètres, c’est comme ça qu’ils disent ici) dans ces conditions. Nous irons donc à Oodnadatta, en passant par le Painted Desert, de là nous verrons. Le désert de Simpson, la piste directe vers Alice Springs en passant par Chambers Pilar, ou la highway vers Alice Springs ou Kings Cayon ? Des questions à 600 kilomètres près, la distance Nice-Toulouse. Mais c’est l’Australie. Ici tout est grand.

Sur la piste, l’immensité s’impose. La terre, immense et imperturbée, nous, petits et agités. Nous pédalons, mais en surface seulement, rien de bien profond. Dans ce pays de mineurs, actions mineures des hommes. Sauf parfois, pour détruire le fragile. La grande piste, droite, la petite voiture, qui « avance ». Pour faire passer, Choupie nous distribue un pic-nique italien digne de nos meilleurs visites dominicales de châteaux autour de Paris. Partout où nous avons habité, nous étions des touristes, maintenant, c’est devenu notre état permanent. Dans la voiture, il est question de retour et de construction de maison. La tôle ondulée de la piste ne suffit pas à réveiller la jeune troupe qui dort « comme un plomb ».

Même si nous n’y arrivons ni au lever, ni au coucher du soleil, le Painted Desert est très beau. Montagnes qui coupent la platitude du désert australien, promontoire blanc qui se détache, tous les tons ocres, la terre rouge, vert de gris, marron, bleu canard, des traces sur la terre encore perceptibles des pluies de l’année dernière. Encore un coin à garder en mémoire. Seuls. Depuis Coober Pedy, 200 km derrière nous, nous avons croisé trois voitures et quelques camions, ceux qui refaisaient la piste, celui qui l’arrosait ! Un autre monde.

Oodnadatta aussi. A 200 km de piste au nord de Coober Pedy, à 7 heures d’Alice Springs en voiture, une drôle d’étape, ancienne gare de l’ancien train qui remontait d’Adélaïde vers Alice Springs et plus tard Darwin. Un seul hôtel, un seul restaurant, celui de l’hôtel. Surtout ne pas manquer le musée du train. Nous ne le manquons pas, c’est face à l’hôtel dans l’ancienne gare, on donne la clé au bar de l’hôtel. Si vous passez à Oodnadatta, vous y irez sûrement, il n’y a rien d’autre à faire entre 15h00 et 18h30, heure du dîner. Pas génial, mais bien dans son jus et c’est la seule chose à faire ici. Les enfants sont ravis de la ménagerie de la patronne. Bébé kangourou qu’on peut caresser, petit chien de cirque sauteur, perruches dans une volière, volée de perroquets roses dans l’arbre au dessus des chambres, kangourous qu’on approche à l’indienne dans le jardin, sauf Matilda, la kangourou curieuse, qui s’avance pour rentrer dans la chambre…

A peine 250 km de piste et de belles attractions, une petite journée. Les plans sur le parcours de demain sont plus compliqués. Les Hot Springs nous attirent peu, rallongent beaucoup la route, qui en plus est mauvaise par là, la piste directe vers Alice Springs est très longue, déserte, (2 voitures croisées en 2 jours par une famille d’Australiens qui en arrive et nous renseigne), et parfois très cassante, la highway, déjà parcourue pendant la descente, n’a pas vraiment d’intérêt.

C’est grand l’Australie.

La phrase du jour  : « Lui il creuse dans son jardin ! » Julia.

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