Journal de bord
CHILI
Décembre 2003 / PATAGONIE - LAGUNE SAN RAFAEL

GMTFr = heure locale au méridien de Clermont-Ferrand.
-4H => 12H (midi) à Clermont-Ferrand = 08 Heures du matin à Santiago

Samedi 20 décembre 2003 : le Skorpios.
GMTFr : -4H 45° sud 76° ouest météo : beau puis variable.
Lever rapide et efficace. Nos derniers moments à Frutillar à l’Ayacara. Les sacs sont faits depuis longtemps. Les affaires qui vont servir dans les uns, les affaires de réserve dans les autres, les cadeaux de noël à l’abri des regards intempestifs dans un nouveau sac inconnu. Inconnu, mais déjà repéré par Julia qui demande s’il est bien à nous, au milieu du tas qui remplit l’arrière du pick-up. Les adieux à Alma et Uldine sont très chaleureux. Nous quittons notre maison de deux semaines. Une éternité pour le tour du monde et dans des conditions particulières qui nous ont tous rapprochés de nos hôtes pour des raisons personnelles, même les petits. Nous nous souviendrons de cet endroit charmant et calme où nous nous sommes reposés. Les filles avaient un peu peur de s’ennuyer, elles n’ont pas vu le temps passer. Nous partons en klaxonnant tous des adios, Garance comprise.
Seule embûche sur le chemin de notre bateau, l’aéroport où nous devons récupérer le bagage de Chris. Enregistré à Madrid par Lan Chile jusqu’à Puerto Montt. Puerto Montt où Lan Chile a expliqué à Chris qu’il fallait absolument que les bagages passent par la douane à Santiago. Sans commentaire. A quand toutes les compagnies d’aviation du monde voudront bien se lâcher la main… Comme nous avons appelé, nous savons que la bagage est là, c’est déjà pas mal. Après l’aéroport, Chris a même le temps de passer voir le marché aux poissons de Angelmo, au bout de Puerto Montt. Visite rapide mais obligatoire, dans ce marché mythique où un Chilien BCBG et sa fiancée lui offrent une petite huître sauvage. Très bonne. Les cerises rouges sont excellentes, les blanches moins bonnes que celles de la dernière fois et les fraises naturelles. Les framboises, même écrasées, font un gros succès. Le gars de la location auto repart avec notre camionetta Chevrolet verte, sans problème. Nous avons fait exactement 2000 kilomètres. Autour d’un lac. Incroyable non ? Le bus du Skorpios embarque les quelques passagers qui n’ont pas passé la nuit à bord. Au passage, des bateaux marchands, des bateaux de pêche et deux ou trois voiliers de plus de vingt mètres de grande classe internationale. C’est peut-être avec ça qu’il aurait fallu naviguer vers le sud ?
Le Skorpios appartient à une famille d’armateurs Grecs. Ca peut être bon signe ou faire peur… Le bateau fait 100 mètres, la coque est peinte en orange vif. Les cabines sont en lambris, un peu rustiques mais charmantes et le service à bord très amical. D’ailleurs à bord, on ne dit pas Monsieur ou Madame, mais amigo et amiga. Le temps est superbe. Nous naviguons plein sud au milieu des pêcheurs vers Chiloe puis le golfe de Corcovado. Pour ceux qui ont lu Coloane, c’est tout un monde. Pour ceux qui aiment les voyages, les cartes marines ou les atlas, aussi. Les otaries ont fait leur apparition depuis longtemps, les pélicans et les vols de canards aussi. Un dauphin profite du beau temps pour faire deux pirouettes en l’air et nous souhaiter bon voyage, quelques pingouins sortent la tête de l’eau sur notre passage.
Avec petit déjeuner à l’américaine, déjeuner à une heure, thé complet à cinq heures et dîner à neuf heures, ça ne laisse pas beaucoup de temps pour digérer… surtout quand en guise de sport on fait la sieste. Les enfants sont contents, ils ont trouvé une copine. Avec quatre vingt passagers sur le bateau et vingt et une nationalités représentées, les parents sont contents aussi. Après la sieste, le dîner. Après le dîner, dormir. Sauf pour Choupie qui a bu son premier expresso depuis plusieurs semaines.
La phrase du jour : "C’est bon un peu de liberté sur le bateau. C’est mieux qu’à l’hôtel". Félix.

Dimanche 21 décembre 2003 : Puerto Aguire et le canal de Moraleda.
GMTFr : -4H 46° sud 76° ouest météo : beau puis variable.
Choupie a mal dormi. Autant dire que pour Chris la nuit a été un peu agitée… Et le golf de Corcovado, qu’on nous annonçait difficile, n’y est pour rien. La navigation se poursuit entre les îles. Hier soir tard nous avons quitté l’archipel de Chiloe et ses trente deux îles, toutes habitées. Nous mettrons le pied à terre sur Chiloe au retour. Un fois traversé le golfe de Corcovado, Chris aime les consonances de ce nom, nous naviguons entre des centaines d’îles. Sur la carte cela ressemble à un puzzle, en vrac, entièrement vert, avec une route presque rectiligne nord-sud au milieu. A tribord, des îles basses recouvertes de verdure et des passages. Parfait pour la pêche artisanale et impossible pour la pêche industrielle. A bâbord, des îles et tout de suite derrière la Cordillère des Andes, parfois perdue dans le brouillard ou les nuages, parfois bien claire, enneigée sur un coin de ciel bleu.
A Puerto Aguire, les enfants du village attendent les touristes pour les accompagner silencieusement. Mille cinq cents personnes, tous pêcheurs, femmes de pêcheurs, enfants de pêcheurs. Cinq cents chiens. Ca sent le poisson. Les ruelles sont en terre recouverte de coquillages concassés. Les maisons petites, leurs maigres planches recouvertes de tôles peintes dans des couleurs qui ont pu être vives. Entre la charpente tordue, les planches pourries et les tôles rouillées sous la peinture, on ne sait plus très bien qui tient quoi. Les carreaux cassés sont réparés avec des planches d’aggloméré imbibées d’eau, souvent avec des sacs plastic. Lieu paisible. Communauté où personne n’est seul. Pesanteur d’un hiver en vase clos… Ciel couvert et lumière douce. Silence léger d’un lieu sans une voiture. Une tronçonneuse au loin rend le silence encore plus frappant. Nicolas, qui rêve de devenir footballeur, sa sœur et son petit frère ont été de bons guides. Ils font une petite provision de bonbons avant Noël.
Même spectacle de mer l’après-midi. Plein sud, les îles à droite, la Cordillère à gauche, les longues plages de galets gris et les oiseaux partout. Coucher de soleil pluvieux au dessus des îles avec, pour la joie des enfants et des parents, deux magnifiques arcs en ciel simultanés sur ciel gris anthracite. Juste après Harry Poter. Diète le soir pour les adultes suivie d’une soirée dansante. La musique est difficile. Nous participons du bout des pieds, entraînés par les Brésiliens. Aujourd’hui, premier jour de l’été austral.
La phrase du jour : "C’est sale ici comme pays, enfin comme village. Ils n’ont pas encore inventé le gravier, c’est des coquillages par terre" Julia.

Lundi 22 décembre 2003 : la Lagune San Rafael.
GMTFr : -4H 46° sud 76° ouest météo : pluie intermittente.
Petit déjeuner complet et tenue grand sud pour résister au froid du glacier. On finit par étouffer de chaleur dans la cabine de pilotage du bateau en attendant de sortir en barque au milieu des glaçons. Le passage du canal Elefante est assez spectaculaire alors que le capitaine, chapka soviétique vissée sur la tête, mains sur la barre, slalome à travers les icebergs en discutant avec les passagers. L’ambiance commence à changer et le glacier apparaît dans la brume.
Quand vous faites une croisière d’une semaine, pour passer quelques heures devant un glacier qui se jète dans la mer, même si vous êtes optimistes, au moment de concrétiser l’affaire, la tension monte un peu. Surtout quand il pleut, qu’il y a un peu de brume, qu’il fait froid et que vous êtes accompagnés de trois enfants dont le plus vieux a six ans. Heureusement, il y a les Brésiliens, toujours d’attaque et souriants. Et puis ça a l’air beau. Pour nous tous, à part les glaçons vus dans un étang au Canada, ce sont nos premiers icebergs.
Les passagers se répartissent dans les deux pointus en fer peints dans l’orange de la compagnie Skorpios. Heureusement, habitués à l’endroit, ils ont eu la bonne idée de mettre un toit. Car ici, même le deuxième jour de l’été, il vaut mieux parier sur la pluie que sur le beau temps… Il fait un peu froid, Garance, qui manque l’heure de sa sieste du matin, manifeste bruyamment son mécontentement. Ensuite, c’est parti et c’est magnifique. Garance hurle, Félix a envie de faire pipi, Julia a froid aux mains. Mais le spectacle est à la hauteur de l’effort. Des icebergs partout. De toutes les formes, de toutes les tailles, de toutes les couleurs. Bleus, bien sûr, dans tous les tons soutenus ou clairs, mais aussi verts, émeraudes, gris, blancs, même noirs… On perçoit la densité de la glace à travers sa transparence. Nous prenons des photos de tous les côtés. L’attirail tourne à plein régime, caméra vidéo, appareil numérique et argentique. C’est la frénésie. Tout est beau. Et même en prenant des photos on a largement le temps de profiter du spectacle. Ca passe vite. Nous en oublions de nous faire photographier devant la glace de 30.000 ans.
Pour sonoriser la scène, on peut compter sur le moteur du bateau, les cascades qui longent le glacier et se jètent dans la mer, les morceaux de glaciers qui s’écroulent dans l’eau, par morceaux puis en avalanche de glace. Il paraît que nous avons de la chance, car parfois il n’y a pas d’icebergs. Nous avons surtout de la chance d’être là. Le glacier recule de cent mètres par an. Deux kilomètres depuis que la veille dame à côté est passée il y a vingt ans. Elle trouve le glacier petit… D’ailleurs, elle ne le reconnaît pas. Nous avons de la chance, si nous étions venus dans trente ou quarante ans, il n’y aurait plus eu du tout de glacier qui se jète dans la mer ! Grand vacarme de tremblement de terre. Un morceau de vingt à trente mètres de hauteur se détache puis bascule bien droit et raide jusque dans l’eau. Un bloc d’environ dix étages quoi. Après le plongeon, la vague. Elle commence grosse mais est rapidement amortie par l’eau lourde et pesante. Lourde de froid, pesante de glaçons en rangs serrés à sa surface. Quand la vague arrive sous notre barque en fer elle nous remue à peine.
Nous allons d’un glaçon à l’autre. Le spectacle est splendide, le froid de plus en plus présent. Garance dort sous une couverture, Félix a mis les gants de son papa, Julia se fait réchauffer les mains par Maud. C’est l’accalmie du côté enfants. Merci Maud. Choupie commence à avoir froid aux pieds mais se régale. Chris ne voit pas le temps passer, bien, dans son équipement pôle sud du Vieux Campeur (publicité méritée et totalement gratuite, ce magasin est génial)… Paradoxalement, le clou du spectacle, ce sont les icebergs, pas le glacier. Petit happening, Pepa, l’otarie femelle solitaire qui habite les lieux, vient nous dire bonjour. Rien à voir avec les Galápagos, mais bien sympathique quand même. Surtout quand, en bonne concierge, elle sort la tête au milieu de la glace pilée pour contrôler ce qui se passe chez elle. Autre happening, le toast au pied du glacier avec nos verres de whisky rafraîchis par de la glace de 30.000 ans. Après le brindis et avoir trinqué avec tout le monde, nous jetons le whisky et mangeons la glace. Elle est totalement transparente, extrêmement dure et bonne. Rien à voir avec celle qui sort du congélateur.
Après un déjeuner, où la soupe brûlante est bienvenue, nous approchons du glacier en Skorpios. Lentement, nous nous postons juste en dessous, c’est à dire à cent ou deux cents mètres. Intéressant, mais la lumière n’est plus la même que ce matin et la plupart des glaçons ont disparu, emportés par le courant. Les courageux se retrouvent sur le pont pour dire bonjour à la caméra du bateau avec, derrière eux, le glacier San Rafael en décor cinémascope. Nous partons dormir à quai aux thermes de Quitralco. Les huîtres de Chiloe, petites et sauvages, sont délicieuses. En chemin, le film du voyage, ringard à souhait, nous enchante. En plus nous sommes tous dessus. Alors…
La phrase du jour : "Mamie, on a loué un très grand bateau" Félix (à propos du Skorpios 100 mètres…).

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