Journal de bord
CHILI
Décembre 2003 / PATAGONIE - LA CARRETERA AUSTRAL

GMTFr = heure locale au méridien de Clermont-Ferrand.
-4H => 12H (midi) à Clermont-Ferrand = 08 Heures du matin à Santiago

Vendredi 26 décembre 2003 : fin du Skorpios début de la Carretera Austral.
GMTFr : -4H 42° sud 73° ouest météo : pluie intermittente.
La croisière se termine, c’était bon de n’avoir rien à préparer pendant une semaine. Pris en charge et bichonnés, ce n’est pas vraiment le genre de la maison. Nous en avons tous bien profité. Un beau soleil éclaire la passe à marée basse où le bateau est amarré. Les bagages remplissent le coffre du beau Nissan 4X4 vert, jusqu’au toit. Notre départ, à six, coffres, sièges et intérieur remplis à bloc, assure le spectacle sur le quai En repartant vers Puerto Montt nous apercevons à nouveau les beaux bateaux, yachts et voiliers de 25 à 30 mètres, neufs, coque bleue. Du beau, du sérieux. Du bateau pour repartir entre les îles de Patagonie…
Aujourd’hui c’est le début de la Carretera Austral, un autre bout du monde. Là où la route finit en cul de sac face aux glaciers qui coupent l’accès encore plus au sud du Chili. Là où la route est partout de la piste de pierres. Pour l’instant il faut trouver un bateau pour traverser jusqu’à Chaiten et accéder à la route. C’est déjà l’aventure. Navimag ne part que dimanche après-midi et arrive là-bas à 23H00. Presque trois jours de perdus. TransMarChilay est très amateur. Ils ne répondent jamais au téléphone, les agences ne connaissent pas les horaires de leurs bateaux. Sur place, les bureaux sont fermés, aucun horaire des bateaux ni des bureaux n’est visible. Un gars de la comptabilité passe par là et fait du commercial avec les gens qui attendent devant la porte fermée. Il y a un bateau ce soir, les bureaux ouvrent à cinq heures, aucune possibilité de passer par Chiloe puis de rependre un ferry de là-bas pour Chaiten avant le 4 janvier. C’est déjà beaucoup pour un comptable, bien aidé par son téléphone cellulaire…
Nous partons déjeuner à Chabulco. Ca va faire passer le temps et il paraît que le coin est joli. Sur la piste de bord de mer, nous croisons un renard argenté. Moins gros que celui d’Atacama mais plus agile. Chabulco ne présente pas d’intérêt particulier, mais c’est joli. On dirait un petit coin de Bretagne à marée basse. L’Hosteleria Azul, sensée être le meilleur restaurant de la ville ne restera pas dans les mémoires. De retour à Puerto Montt, Maud change un cadeau de Noël et Choupie essaie de trouver de la place dans un hôtel au Torres del Paine. Le sosie de Félix habite Puerto Montt. Chris l’a vu et n’a rien dit. Deux minutes plus tard, Julia rigole en montrant la copie de son frère. Pour continuer à manger le temps en attendant l’ouverture des bureaux e TransMarChilay, nous repartons faire un petit tour à Angelmo, le marché aux poissons et ses petits restaurants. Nous atterrissons dans un bar discothèque, un bonheur pour les enfants qui peuvent étaler les jouets du Père Noël sur la piste de danse. Choupie se débat avec TransMarChilay à quelques encablures de là, Chris avec le PC pour essayer de finir le JDB et graver les photos sur un CD à destination de l’Europe.
Au final, pas de gravure, pas de connexion internet, mais une place pour la voiture sur le ferry de ce soir, la dernière. Pour nous, les passagers, pas de place. Comme dans le TGV. On a le droit d’acheter un billet et de monter sur le bateau, mais nous savons déjà que nous n’aurons pas de places assises. Le plan est donc de vider la voiture en mettant les sacs à côté dans la cale, de faire dormir les petits dans le coffre et sur la banquette arrière, un adulte sur le siège avant et les deux autres quelque part dans les allées ou les couloirs du ferry, allongés sur les ponchos en faux alpaga. Les enfants sautent de joie. C’est génial de dormir dans le coffre. Ceux qui sont destinés aux couloirs sont un peu moins enthousiastes. Le bateau part à huit heures, nous sommes conviés à sept heures et demi. En prévision des performances culinaires de la cafétéria du ferry, nous fonçons dîner, sans avoir vraiment faim, au coin d’Angelmo, dans un restaurant où la famille a déjà ses habitudes pour y être allée une fois. A sept heures et demi, nous sommes sur le quai. Mais le ferry pas. Ou plutôt, le ferry n’est pas un ferry, c’est une barge. Capacité, trois camion, une douzaine de voitures, une cinquantaine de places assises. Pour bien se représenter le « bateau », il faut imaginer une barge type débarquement en Normandie en 1944, en grand format et peinte en orange. Peindre les bateaux en orange c’est l’habitude du coin ! Une heure et demi pour faire monter les camions, les cuves en bois destinées à des thermes, les 4X4 divers et les passagers. Nous partirons peut-être avec une heure et demi de retard. Pour ce qui est de sortir les bagages du coffre, ce sera pour une autre fois. En pleine Patagonie, alors qu’il est question de passer la nuit en mer sur une barge ouverte à étrave carrée, pas imaginable de sortir les bagages sous la pluie qui tombe déjà. Tout le monde est à bord, au cas où… Sur un malentendu, on trouvera peut-être une ouverture vers des places assises. Chris, seul sur le quai, se demande s’il ne va pas faire descendre tout le monde de là. Les médicaments c’est Choupie, mais les bateaux et la bagnole, c’est Chris. Et pour traverser les canaux de Patagonie en barge, il faut l’être, barge, non ? D’un autre côté, les Chiliens ne sont pas fous, ils connaissent bien la mer et la barge n’en est certainement pas à sa première rotation vers Chaiten.
On a le temps de regarder le spectacle. L’imbécile en uniforme avec le talky sur une oreille et le téléphone sur l’autre. Comment respecter l’autorité d’un imbécile sous prétexte qu’il est en uniforme ? Il suffirait d’avancer… Les relents de tiers monde. L’embarquement qui commence après l’heure théorique de départ, le camion qui se rajoute à la dernière minute après que son chauffeur est monté à bord discuter avec le capitaine alors que le bateau est annoncé plein, les Indiens qui embarquent avec une cuisine en kit datant de leurs grands parents et dont la valeur vénale est inférieure à quelques dizaines de dollars… Le bon côté, c’est que dans un coin pareil, rien n’est vraiment impossible. Il reste toujours un espace dans lequel s’immiscer. Comme nous aujourd’hui. Les questions existentielles surgissent parfois au moment où on les attend le moins. Au bout d’un quai de Patagonie, face à une barge orange pas très rassurante. Ou bien justement, il est normal qu’elles se pointent à ce moment là. Un rayon de soleil passe sous les nuages bas et éclaire le camion de déménagement bleu et le hangar aluminium. Le ciel est gris anthracite. Le moindre objet devient beau, incroyablement beau. Ca ressemble à un tableau hyperréaliste où le moindre détail possède une couleur et une netteté d’une beauté saisissante et irréelle. Tout flotte dans la lumière. Après les questions, les réponses. Peut-être au bout d’un quai de Patagonie éclairé par un rayon de soleil du soir. Peut-on être venu jusque là pour un rayon de soleil sur un entrepôt ? Comme prévu dans cette pagaille, les places sont « réservées », mais pas numérotées. Une bonne anticipation de Chris, resté au volant à attendre son tour, avant dernier à monter sur la barge, une bonne réalisation de Choupie et Maud. Nous voilà avec quatre places assises à l’intérieur. Byzance !
Il ne reste plus qu’à remplir les places pour les pieds à l’arrière du 4X4 pour faire un lit deux places pour Julia et Félix. Garance, elle, a son siège auto ou le siège conducteur. Au choix. La cafétéria est un trou découpé à la scie sauteuse dans un panneau en aglo du bateau. On peut lui demander de l’eau et du lait chauds. Surtout pas plus. Certains passagers s’apprêtent à passer la nuit debout, d’autres se couchent au milieu des couloirs de cinquante centimètres de large. Les priorités ont changé aujourd’hui. C’est Nous nous laverons les dents une autre fois. Choupie dormira sur le pont, dans le 4X4, avec les enfants. Maud et Chris vont tenter de dormir sur les fauteuils « avion ». Plus de place en tous cas pour les jambes que dans les airbus chers à Félix.
Dehors, les voisins du 4X4 font tourner leurs moteurs pour réchauffer l’atmosphère glaciale des autos et les chauffeurs des camions proposent de faire chauffer les biberons des enfants. Dedans, c’est chauffé et on peut regarder des films américains imbéciles sur HBO en semi-codé-canal+ tellement c’est mauvais, mais on doit supporter un fumeur occasionnel, un lecteur invétéré qui ne veut toujours pas éteindre la lumière au milieu de la nuit et la surpopulation. Nous verrons demain qui a le mieux dormi. Les Chiliens classieux, eux, ont fait leur choix. Pas un n’est même descendu de son 4X4. En tous cas, il y en a trois qui sont contents à l’intérieur. C’est le papa, son frère et son fils, qui ont récupéré les deux sièges que nous avons définitivement libérés. Au fait, la barge s’arrête à Ayacara à quatre heures du matin. On ne nous l’avait pas dit.. Nous n’avons pas d’idée où c’est. Mais au moins on sait pourquoi notre hôtel de Frutillar s’appelait le Ayacara. Et puis ça mettra un peu d’animation au milieu de la nuit. Elle commence fort la Carretera Austral…
La phrase du jour : "C’est vrai papa que tu l’aimes bien mon petit poney ?". Julia (et son poney rose à crinière bleue et violette que n’aime pas sa maman).

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