Journal de bord
CHILI
Janvier 2004 / PATAGONIE - LA CARRETERA AUSTRAL

GMTFr = heure locale au méridien de Clermont-Ferrand.
-4H => 12H (midi) à Clermont-Ferrand = 08 Heures du matin à Santiago

Vendredi 02 janvier 2004 : le grand bleu du lac Général Carrera.
GMTFr : -4H 46° sud 73° ouest météo : grand bleu
Rien de tel qu’une grosse journée de piste dans des endroits superbes par un soleil radieux pour chasser les idées noires. Nous partons sans regrets de la Pasarela mais quittons difficilement Coyhaique. En une heure passée à la poste, nous avons quand même réussi à envoyer un colis express vers la France. La route qui traverse le plateau est belle, le goudron excellent pendant cent kilomètres. Les vraies vacances. Nous passons gorges, cascades, forêts… Que du connu, mais du bon. Le goudron s’arrête, laisse la place au ciment annonciateur de piste prochaine. La route sort des gorges et montre la vallée du Rio Castillo, dominée par le mont du même nom. Le Castillo ressemble à un château de sorcière dans un dessin animé de Walt Disney. Pointu comme des aiguilles de toutes parts, noir, enneigé, surveillant toute la vallée. Arrêt provisions pour pic-nique à Villa Cerro Castillo, dernier pueblo connu avant la traversée de 150 km de pistes.
La piste commence à la sortie du village. Pour ne pas trop faire durer, ambiance Paris-Dakar dans le 4X4. La piste est cassante, il faut faire attention à ne pas tout arracher. A quarante à l’heure, il y a déjà une bonne ambiance dans l’auto. Heureusement, dès la sortie de la montagne, nous longeons le cours du Rio Castillo. Fini les pierres, bonjour le bon sable bien damé. Nous pouvons foncer à quatre-vingt. Nous pourrions plus, la mécanique aussi, mais la sécurité avant tout. Nous nous arrêtons pour manger, à l’ombre, mais pas à l’abri des mouches et des guêpes. Nous avions évité ce genre de bestioles et les moustiques, au Canada, en arrivant mi-septembre. Ici il va falloir s’y habituer car c’est le début de l’été. Remarquez, elles sont collantes les mouches mais elles piquent très peu et pas fort.
La piste est excellente encore quelques kilomètres, mais aux abords du lac Général Carrera, elle redevient pierreuse, dure avec des trous et très poussiéreuse. Là c’est vraiment le Dakar. Pour ne pas respirer trop de poussière, il faut dépasser les motos. Cinq motos et leur 4X4 balai en queue de peloton. Certains motards allemands sont sympas, d’autres beaucoup moins. Le plus difficile c’est de bien choisir son moment pour prendre des photos sans se refaire doubler par un motard que nous venons de dépasser. Beaucoup de poussière, la très fine, on dirait de la poudre ou de la farine, pour tout le monde … Même voiture fermée, la poudre rentre en vole à l’intérieur. Heureusement, les réservoirs des motos sont moins grands que le nôtre et ils finissent par être tous derrière nous. Ca a l’air ahurissant, comme ça, au fin fond du Chili, de ne pas s’arrêter une heure pour être tranquille et ne pas manger de poussière. Mais nous avons tous envie, motards et automobilistes de sortir de la piste et surtout de la poudre en suspension, au plus vite.
Les motards sont assez loin pour que nous puissions nous remettre à prendre des photos normalement. Et ça vaut la peine. L’arrivée sur le lac Général Carrera est un des plus beaux endroits que nous ayons vus depuis le départ. Immense lac, entouré de montagnes aux sommets enneigés, avec des îles au milieu, une eau bleu marine au milieu et turquoise sur les bords. Les fleurs bleues et jaunes sentent bon, dès qu’on s’arrête et qu’on peut ouvrir les fenêtres après le passage de l’énorme nuage de poudre qui nous suit partout. Très très beau. On nous l’avait dit. C’est vrai. Très spectaculaire aussi. Avec la chance pour nous de le voir sous un ciel parfaitement bleu, alors qu’il pleut 300 jours par an ici. Nous dépassons notre dernier motard à la pompe à essence de Rio Tranquilo. L’autobus qui assure la liaison avec Coyhaique est là aussi. Autant dire plus du tout de poussière devant nous. Le pied.
Nous évitons soigneusement de nous arrêter à la Pasarela 2, sous un pont suspendu et au bord d’un torrent. Exactement comme à Coyhaique, d’ailleurs c’est le même proprio. Aucune raison de faire deux fois la même erreur, surtout qu’ici il y a beaucoup d’adresses possibles, au moins trois ou quatre… Choupie a un plan à Puerto Guadal. Il ne reste plus que dix kilomètres. Nous sommes presque arrivés. Poupounette commence à en avoir assez. Et le plan de Choupie, les Cabanas Mirador de Playa Guadal, est soi-soi. Notre cabane mesure environ six mètres sur sept, quarante mètres carrés, peut être un peu plus. Entièrement en bois, elle possède tout ce dont nous avons besoin. Une chambre avec un lit superposé qui fait face à son jumeau. Les grandes filles, Maud et Julia, en haut, les petits, Félix et Garance en bas. Une autre chambre, avec deux grands lits une place qui sont rapidement collés l’un à l’autre, pour les parents. Dire que les chambres sont spacieuses serait exagéré, mais elles donnent une bonne impression de tranquillité et de confort. La pièce principale est aménagée avec un grand canapé en bois, deux sièges du même acabit simple et solide, tous recouverts de coussins bleus et d’une table ronde avec ses quatre chaises, tous en bois bien évidemment. Ouverte sur la grande pièce, avec une fenêtre qui donne sur l’arrière, un trouve petit espace où on a casé la cuisine. En la regardant pour la décrire, on voit passer dans le petit matin un énorme lièvre. Il ferait pâlir d’envie plus d’un chasseur, rajoutant à la famille de perdrix à col orange qui est passée quelques minutes plus tôt. La salle de bain est casée dans un coin de la cabane. Tout est en bois. Les deux éléments essentiels de notre cabane sont le poêle à bois, seul chauffage disponible et la pergola. Le poêle, coincé entre deux fenêtres, est dans le coin qui donne sur la pergola. La pergola donne sur le lac et son paysage magique. C’est petit, presque minuscule, ce n’est pas luxueux, mais on sent tout de suite qu’on va être heureux et paisibles ici. Notre cabane au Chili possède un supplément d’âme. Nous sommes tous ensemble et heureux d’être entassés dans ce petit périmètre joyeux. La vue est époustouflante. Bravo Choupie.
Pendant la fin de journée, le spectacle est grandiose. Terrain en pente douce jusqu’au lac bleu marine entouré de montagnes aiguës. Les sommets sont enneigés. Ce sont des glaciers et le mont San Valentin, le plus haut de Patagonie, qui dépasse les 4000 mètres. Au dessus, il y a un ciel Patagon. Maud, Julia et Félix, descendent se baigner dans le lac, Choupie part faire des courses et en profitera pour téléphoner, Chris et Garance restent garder notre foyer. Le vent se lève. Le lac est tellement grand qu’il y a de vraies vagues. C’est un des plus beaux endroits que nous ayons vus depuis le début du voyage, avec les Rocheuses du Canada et Atacama au nord du Chili. La nuit arrive tard, après dix heures. En attendant, les nuages changent de formes et de couleurs. Hauts dans le ciel, allongés, en rangs, ils se mêlent les uns aux autres. Ils y a les blancs, les gris et les noirs. En bas, accroché à la montagne, joufflu et gras, un autre, tout blanc, ne bouge pas.
Andreas, le gérant, nous explique tous les bons plans du coin. Passionné, très sympa, il connaît bien son monde. Les Français aiment bien marcher et aller voir la vie locale chez des paysans. Pas les Allemands, ni les Américains… Il nous organise un asado (méchoui local), dans une ferme à cinq minutes, dès demain.
Bien logés, réconciliés avec le Cosmos et les hommes, merci mon Général Carrera ! Nous allons tous bien dormir, plus au sud que jamais pour nous tous. Car aujourd’hui, nous avons dépassé la latitude de la lagune San Rafael et de son magnifique glacier.
La phrase du jour : "Combien de temps on va rester ici ?" Julia (tout le monde est sensible à ce lieu…).

Samedi 03 janvier 2004 : el asado et le ciel encore.
GMTFr : -4H 46° sud 73° ouest météo : grand bleu

C’est un vraie joie d’écrire le journal de bord, le matin tôt, alors que tout le monde dort et récupère. Surtout quand une famille de perdrix à col orange passe devant la fenêtre, suivie d’un lièvre puis d’une sorte de merle à bec et pattes orange, tête noire, corps gris clair et ailes gris foncé avec le bec débordant de vers de terre. Le tout avec vue sur le lac et la neige en face.
L’asado est à la Patagonie ce que l’ail est à la Provence. Sans lui, elle n’existerait pas. Dans une région d’éleveurs et de gauchos, où les moutons sont depuis toujours mille fois plus nombreux que les hommes, le mouton à la broche, c’était, pendant des décennies, la base de l’alimentation. C’est devenu une tradition indissociable de la Patagonie, Chilienne ou Argentine. Aujourd’hui nous mangeons notre premier asado. Un demi mouton cuit au feu de bois. Nous le partageons avec nos hôtes. Délicieux. Pour l’asado, Il suffit d’avoir un mouton qui n’a connu que la bonne herbe d’ici et de la faire cuire à feu de bois doux pendant deux heures et demi à quatre heures. Ca dépend de la taille et de la graisse de l’animal.
Les enfants jouent. Courir derrière des jeunes poules. Aller voir les chevaux, un must en Patagonie. Discuter entre gens du même âge. Daniela a dix ans mais est à peine plus grande que Julia. Allan, quatre ans, est très timide. Caresser des agneaux et les porter dans les bras. Apporter des provisions de bois pour le feu. Essayer d’attraper un chaton qui passe sous la cabane en bois. Essayer d’attraper les frères et sœurs du chaton. Finir par une énorme partie de football. Autant dire qu’ils ne veulent pas partir. Les grands discutent de la vie ici, « avant » et maintenant. Avant, c’est quand Ricardo est né. Ses parents arrivaient de Chiloe, l’île douce. Le père de Ricardo est arrivé le premier ici. Quand Ricardo a grandi, il y avait deux maisons en bas, près du lac. Maintenant c’est un pueblo de plusieurs centaines d’habitants, colonisé par quelques Européens qui savent ce que les touristes recherchent. Nous partons en récupérant l’adresse internet d’une des filles de la famille… Le choc des champs et du PC.
Nouveau coucher de soleil sur le lac Général Carrera et les montagnes qui l’entourent. Nouveau festival de couleurs. Même les enfants sont excités. Félix veut que nous prenions en photo et en film le moindre coin de nuage, d’orange ou de turquoise. Garance montre le ciel avec son doigt, mais le message est plus difficile à interpréter. « Pain » et « encore », nous avons fini par comprendre, mais pour ce qui est des concepts, il reste un peu de boulot. Tout le monde est sur le pont, la véranda. A l’ouest magnifique, à l’est aussi. Toutes les deux ou trois minutes ça change de formes et de couleurs. Magnifique. Nous croyions avoir rangé les appareils photo et la caméra et nous les ressortons, une « dernière fois », à de nombreuses reprises. A presque dix heures du soir, les enfants sont dans l’herbe devant la cabane. Il fait jour, ils observent les oiseaux entre deux cris en direction du ciel. Félix raconte une histoire à rebondissements depuis une heure, avec des baleines qui se mêlent au lièvre que nous avons vu sur la plage un peu plus tôt.
Bravo mon Général Carrera !
La phrase du jour : "A Paris on ne vous voyait pas de la journée" Julia.

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