Journal de bord
Novembre 2003 / Les Iles Galapagos

GMTFr = heure locale au méridien de Clermont-Ferrand.
-7H => 12H (midi) à Clermont-Ferrand = 05 Heures du matin à Quito

Mercredi 12 novembre 2003 : PLAZA SUR, SANTA FE, Baie du nord est
Iguanes et cactus.
GMTFr : -7H 0° sud 90° ouest météo : beau, force 2 à 3, mer belle
Navigation de petit matin entre marins qui regroupe Augusto, quelques marins et Chris. Les départs à 4H30 laissent tout le temps de rêver, de voir le soleil se lever, de compter les baleines nombreuses à cet endroit où les grands fonds remontent rapidement (information d’Augusto), de se parler entre gens pas bavards. Les GUBS (Great United Britain States) dorment. La navigation c’est un mal nécessaire, c’est pas dans la brochure, pas de photos à ramener… La pêche à la traîne ne donne rien jusqu’à Plaza Sur. Le soleil est levé, il passe par un trou à travers les nuages. Le coin est splendide, surtout en entrant dans le passage en arrivant le long de Santa Cruz et de ses falaises, avec une belle lumière pour les rouges. Les GUBS sortent les uns après les autres, le bateau à l’ancre n’appartient plus aux marins.
Plaza Sur, c’est exactement l’île mystérieuse de Tintin. La même taille, la même inclinaison, il ne manque que les champignons qui explosent et l’araignée géante. Notre capitaine Hadock c’est Augusto et le ( ?) (emplacement à la disposition des spécialistes de Tintin) c’est le Beagle. L’île est rouge, recouverte par une plante qui ressemble à une algue à salade. La dangereuse falaise qui surplombe la mer au sud, c’est le domaine des oiseaux de mer, pas le nôtre. Les puffins foncent d’un bout à l’autre en rangs serrés, les mouettes à queue d’aronde, toujours aussi élégantes avec les ailes qui se croisent et leur œil cerclé d’orange, couvent ou s’occupent de leur petit. Un paille en queue passe, tout de suite identifié par Félix, le naturaliste de la famille. Seuls manquent à l’appel les bachelor’s (otaries mâles célibataires) partis se nourrir en mer entre potes. Les iguanes de terre ont repris possession des cactus depuis que les chèvres ont été éradiquées.
Notre seconde étape du jour est Santa Fe et son fond de sable blanc. Un petit coup de palme-masque-tuba confirme ce que tout le monde sait déjà. Rien ne vaut le corail et une eau claire dans un petit fond. Une belle pastenague au passage, les tortues se cachent, chirurgiens, perroquets, coffres, tous gros et peu colorés. Louis transforme le coup en nous amenant avec la panga droit sur un vol de raies aigle. A deux ou trois mètres de nous, les raies léopard volent les unes à côté des autres, parfois l’une d’elles fait un mouvement brusque et s’écarte. Elles nous ramènent tranquillement au bateau. L’excursion à terre est remarquable par ses cactus de plusieurs centaines d’années, avec de vrais troncs comme dans nos bonnes vieilles forêts de chênes, sa colonie de buses et ses otaries toujours aussi sympas. Très belle lumière pour les photos.
Cette nuit bonne petite navigation jusqu’à Espanola et ses albatros. Les enfants mangent désormais systématiquement avant les parents, ce qui fait des vacances pour tout le monde. Quelques mots échangés avec Augusto montrent qu’il connaît par le menu nos aventures de la semaine dernière avec Osvaldo. En bon dueno-capitaine.
La phrase du jour : "Il ne faut pas croire qu’on peut s’arrêter d’investir sur un bateau. On investit tout le temps" Augusto.

Jeudi 13 novembre 2003 : ESPANOLA, Punta Suarez, Gardner Rocks, Bahia Gardner
GMTFr : -7H 0° sud 90° ouest météo : beau, force 2 à 3, mer belle
Le gros bigdeal du jour c’est la colonie d’albatros. Fausto nous l’a bien vendue hier soir. Le ponton de débarquement est encombré par quelques touristes, mais ils se dissipent rapidement. Surtout ceux qui ont l’âme fragile et sont impressionnés par les vers qui mangent la carcasse d’un bébé otarie, l’odeur, les merles moqueurs qui mangent les vers, non, ça moins impressionnant quand même… A peine enjambée l’otarie mal en point, il faut se frayer un passage à travers l’enchevêtrement d’iguanes de mer qui bouchent le passage. Les plus gros mâles se tiennent à l’écart dans leur magnifique robe de parade rouge, bleue, verte, sur fond habituel noir. Il paraît que les femelles en raffolent. Un peu plus loin lézards des laves « géants », c’est à dire 30 à 40 centimètres pour les mâles à ventre rouge en cette période de reproduction, plus petit pour les femelles à cou rouge, soit tout de même le double de la taille standard. La race est endémique d’Espanola. Avec tout ça on va finir par manquer les albatros non ? Manque de chance, sur le chemin qui passe par la plage, nids de tortues à gauche et colonie de fous masqués en train de couver leurs œufs à droite. Comme il vaut mieux tenir que courir, nouvel arrêt photos, vidéo et pour regarder un peu quand même. On nous a dit que les albatros partent en mer dès que le soleil apparaît, il se fait tard, la petite brume matinale va se lever.
Enfin le champ des albatros. Un couple avec un bébé par-ci, quelques juvéniles en train de discuter par-là, une maman qui remplit son rejeton avec l’huile qu’elle produit grâce aux poissons et aux calmars… Intéressant, mais heureusement qu’on sait que les albatros sont rares, que la race est endémique de l’île, qu’ils passent trois à quatre ans en mer avant de revenir à terre pour la première fois, qu’ils sont fidèles toute leur vie et tout… parce que franchement, un albatros à terre, ses ailes de géant l’empêchent de marcher quoi. Les bébé sont hideux, ont dirait des émeus nains myopes, déplumés sans pattes. Les juvéniles, tout le temps en train de se prendre le bec, ont l’air de concierges trop grosses pour bouger leurs jambes et dont les jambons fixes avancent l’un après l’autre grâce au balancement cadencé, alternatif, latéral et vertical de leurs hanches. Pas vraiment de quoi se pâmer. L’un d’entre eux se décide et s’envole de quelques coups d’ailes. C’est un de ses premiers vols. Et là respect. Il prend quelques mètres d’altitude sous le regard médusé de ses congénères et enfin intéressé des touristes, sans bouger une plume plane vers la falaise, plonge pour prendre de la vitesse, fonce sur le versant opposé, profite du vent qui remonte le long des rochers pour repasser au dessus la falaise à fond la caisse en rasant l’abrupt, sur l’élan traverse un bout d’île, attrape une colonne d’air ascendante, fait deux ou trois tours pour monter un peu plus haut dans le ciel, retraverse à toute vitesse la falaise vent debout, survole sont point de départ de quelques mètres et repart vers la falaise prendre un nouvel élan. Le tout sans un battement d’aile. Aucun effort apparent. Pas d’énergie gaspillée. Chapeau bas le géant. Ca va donner quand tu seras un peu plus grand. Après plusieurs tours, toujours sans un seul coup d’aile, on comprend qu’il essaie maintenant d’atterrir. Mais dans les champs de gros blocs de lave, avec pas un seul mètre clair, ça ne semble pas simple, vu de là haut et à une vitesse pareille. Plus personne, pourtant, n’oserait émettre la moindre remarque parmi l’assistance. A chaque passage, notre ami varie les angles d’approche, les altitudes, les terrains survolés, mais c’est vraiment difficile. Il va falloir apprendre à se servir des aérofreins. Un peu plus loin, au bord de la falaise, de nouveaux candidats au grand saut ouvrent leurs ailes en réfléchissant bien. Ils discutent pas mal pour savoir qui va être le plus balaise et partir en premier. Et boum, en voilà un qui y va. Le vent de la falaise, un peu d’altitude perdue, deux battements d’ailes, les ailes ouvertes en forme de grand parapluie, le tour est joué. Ca donne confiance. Un autre tente sa chance. Nous pourrions rester là des heures, avec les iguanes qui profitent de la marée basse en bas et les otaries qui jouent dans les mares. Tiens, des pailles en queue passent, leur nid est sur la falaise. Tiens un fou masqué qui monte sur son œuf et le couve avec ses pattes. Une tortue dans les remous essaie de manger une bouée de pêcheur orange. Il faut partir, Félix veut rester. C’était bien les albatros. Les otaries squattent le ponton, décidément tout le monde l’aime ce ponton. Elles sont obligées de se pousser d’un ou deux mètres pour que nous puissions leur laisser la place définitivement libre. (C’est Bruno qui sera content de savoir qu’un des plus beaux coins des Galápagos s’appelle Suarez).
Comme il a fait chaud, petit coup de snorkeling autour de Gardner Rocks. Beaucoup de poissons tropicaux, tous de taille importante mais pas avec les couleurs de l’océan indien. Après-midi libre sur la magnifique plage de sable blanc de Bahia Gardner. Les enfants ont abandonné les châteaux, ils font des volcans. En fin de journée, ils courent le long de la mer, une jeune otarie les suit dans l’eau. Dès qu’ils arrêtent de courir, l’otarie sort de l’eau pour les renifler. Impressionnés, il se remettent à courir et l’otarie repart dans l’eau pour les suivre un peu plus loin. Quand un peu fatiguée elle rentre voir sa maman, une autre otarie prend le relais. Les enfants trouvent ça très amusant, les otaries aussi. Chris surveille ses enfants, le « macho » surveille les siens. Personne ne semble véritablement inquiet.
La nuit, les GUBS dorment. Pas les marins. Vers onze heures on aperçoit les lumières de Puerto Aroya. Il faut encore une heure et demi de mer au Beagle pour arriver à bon port. Pas un mot entre ceux qui veillent. Juste la mer et les lumières de la « ville ». Il y a un trafic incroyable pour cette heure avancée, une demi douzaine de bateau partent de Puerto Aroya pour les îles alentours. Le Beagle les laisse sagement sortir en se signalant bien. Tous sont connus, tous connaissent le Beagle. Pas un mot non plus pendant la manœuvre d’amarrage. Un vrai spectacle cette manœuvre entre les bateaux, la panga qui pousse le Beagle à l’arrière… Ancre loin en avant, corps mort à l’arrière pour tous rester face au large. Les moteurs s’arrêtent. Les hommes écoutent les bruits du bateau sans les moteurs et profitent de l’idée d’une nuit de sommeil au port.
Dire qu’il va falloir raconter tout ça dans le journal de bord.
La phrase du jour : "Je suis content d’avoir vu l’albatros décoller" Félix (nous aussi!).


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