Journal de bord
ARGENTINE
Janvier 2004

GMTFr = heure locale au méridien de Clermont-Ferrand.
-4H => 12H (midi) à Clermont-Ferrand = 08 Heures du matin à Santiago

Jeudi 08 janvier 2004 : l’Argentine, enfin !
GMTFr : -4H 46° sud 72° ouest météo : grand beau
Fin de l’épisode permis de passage du 4X4. Grâce à Veronica de la Governacion, nous retrouvons notre liberté. Cet épisode nous aura fait perdre deux ou trois jours mais permis de voler au dessus du champ de glace et de rencontrer la famille Raty. Derniers préparatifs pour la Nacional 40 (cuarenta) en Argentine. Vérification des pneus à la gomeria. Le gomelier dégonfle à deux kilos. Il a raison. Ca ne fait que 2500 ou 3000km que nous roulons trop gonflés. Passage chez le mécanicien pour savoir comment fonctionne le crabot et à quoi sert le bouton sur le levier de vitesses de la boîte automatique. Il paraît que la Nacional 40 c’est la grande aventure. Les Chiliens disent qu’ils y a d’énormes pierres et qu’on ne croise pratiquement personne, mais le gars des pneus nous dit qu’on peut rouler à 150 km/h. Choupie fait quelques provisions. Deux jeunes Chiliens enlèvent quelques kilos de poussière à l’intérieur de la voiture pendant que nous faisons nos adieux aux pionniers. Un au revoir de voyageurs globe-trotters à une famille de voyageurs sédentaires et à leur chaleureuse maison. Si nous repassons par ici, nous reviendrons forcément leur dire bonjour.
Passage de la frontière sans problème, bien que la secrétaire de la douane chilienne, obligée de se lever de table, nous fasse muettement comprendre qu’il aurait été fortement apprécié d’éviter l’heure du repas. Ces étrangers. Aucune éducation. Côté argentin, confirmation du début de la pampa et le policier ressemble à un Italien. Beaucoup plus souriants, tous, sauf le douanier. Son PC est connecté à internet, c’est le spectacle du monde ou CNN qui le déprime ? Un PC au milieu de la pampa… ici on est en Argentine, les US de l’Amérique Latine. Même en pleine sortie de crise. Le goudron jusqu’à Perito Moreno, (la ville, le glacier est beaucoup plus au sud), est excellent, mais attention aux chevaux en liberté qui arrivent de toutes parts pour la fête de la cerise. C’est la politique de l’Argentine de bien montrer la différence d’un côté et de l’autre de la frontière, surtout par ici où il y a encore des problèmes pour savoir où elle passe exactement. Perito Moreno nous approvisionne en argent local, le peso, comme au Chili, mais un autre peso. Les prix sont très bas, les maisons plus belles, dans les assiettes on met deux couches de côte de bœuf par personne. Pour nous, c’est empanadas et frites dans la voiture. Super bon mais on ne comprend pas tout ce qu’ils disent. Ils ont tellement d’accent qu’on dirait du Brésilien.
Après, c’est la pampa. On a un bon copain qui dit toujours « C’est la pampa », quand il n’y a rien… Et bien la pampa, « c’est la pampa ». Rien. A perte de vue lointaine. Car sans aucune humidité et avec à peine quelques ondulations de la terre, on voit très loin. On voit très loin qu’il n’y a rien. Absolument rien. Rien total. Pas de villes, pas de maisons, pas d’eau, pas d’animaux, pas d’hommes. Deux autruches, un tatou, notre premier à tous, des guanacos (les lamas de la pampa, nos premiers aussi), quelques moutons et quelques vaches. Parfois une estancia, souvent abandonnée. Parfois, au bout de cinquante kilomètres de piste vide, un panneau vers la droite : estancia « El Rincon », (Le Coin, Le Recoin… tu parles…), 30 kilomètres. Il faut un sacré moral. Surtout au temps du cheval et de la charrette à roues en bois. On peut foncer sur la grande piste, large, caillouteuse mais sûre. Moins de poussière que sur la Carretera Austral qui semble à des milliers de kilomètres d’ici alors qu’elle est parallèle et, à vol d’oiseau, à peut être cinquante ou cent kilomètres à peine. Pampa la pampa. Ca nous change des lacs, des glaciers, des cascades ! Tout le monde est ravi puis s’endort, sauf le chauffeur, en direction des Cuevas de las Manos ( les grottes des mains).
Une branche de piste qui part sur la gauche, des gorges magnifiques avec des arbres le long de la petite rivière en bas. Un endroit très beau et spectaculaire. Sur des parois rocheuses, à l’entrée de grottes ou sous des surplombs rocheux, il y a dix mille ans, les hommes ont commencé à poser leurs mains et à jeter de la peinture dessus. Ils ont continué pendant huit mille ans. Des centaines de mains, en négatif, sur fonds rouges, ocres, blancs et noirs. Ils mettaient leurs mains, presque toujours la gauche et projetaient dessus avec leur bouche, un mélange de terre, de pigments, de sang, de moelle, d’os et de racines. Le résultat est très touchant. L’idée, frappante, belle, très moderne, figurerait en bonne place au Moma ou à Beaubourg. Les archéologues hésitent entre deux thèses : vénération des dieux ou trace conservée des mains des ancêtres ? Quand les hommes d’ici ont commencé les mains, le ruisseau était au niveau de la grotte. Maintenant il coule cinquante mètres en contre-bas. Ca devait être plus vert… Mais les guanacos existaient déjà. Avec le temps, les artistes locaux ont évolué et les dessins les plus récents sont des animaux stylisés et des formes géométriques. Une vraie histoire de l’art moderne, résumée en quelques mètres carrés de peintures rupestres. Près de mille mains comptées ici. Il paraît que les gorges font quatre vingt kilomètres de long et qu’il y a neuf cents sites du genre. Peut-être d’autres pistes pour savoir ce qui nous attend après le pop art et l’abstraction, lyrique ou géométrique.
Avec tout ça, la journée est bien avancée. Nous nous arrêtons pour faire le plein à Bajo Caracoles. A l’unique station service-bar-hôtel-restaurant de la ville. Bajo Caracoles, dix maisons, dont celle de la gomeria (pneus), figure sur la carte comme une ville. Il faut dire que dix maisons au milieu de la pampa, ça n’est pas Buenos Aires, mais presque. Tentative téléphonique pour dormir au lac Posadas, mais les trois lieux où l’on peut y dormir sont pleins. Nous passerons la nuit ici. C’est pas le Pérou mais bon, c’est la pampa. Lumière d’une clarté superbe, chambres on ne peut plus sommaires, mais une avec douche privée. Vent dans les voiles. Encore un peu de local et on se prendrait presque pour un gaucho. Le dîner aurait pu nous faire grossir si nous en avions mangé plus de 10%. La cuisinière ne doit pas rigoler tous les jours. Son mari non plus d’ailleurs. A moins qu’il ne soit parti. C’est peut-être pour ça qu’elle fait la gueule à tout le monde. Le patron du bar est super sympa. En bon Argentin, il regarde le foot. Argentine-Pérou. Qualifications pour le « mundial » d’Athènes l’année prochaine. Mais franchement, le match des moins de 23 ans, même en Argentine, au milieu de la pampa où les distractions ne sont pas légion, n’est pas regardable.
Contre toute attente, tout le monde dort au quart de tour. Dehors le vent de la pampa, qui passe à travers les pauvres fenêtres de l’hôtel, balaie tout sur son passage.
La phrase du jour : "C’est où le prochain hôtel vers le sud ? ». « Au sud ? Dans deux cents kilomètres" (de piste). Le pompiste de Bajo Caracoles.

L’HISTOIRE DU PERMIS POUR L’ARGENTINE
Pour sortir du Chili vers un pays étranger, avec un véhicule Chilien, il faut un permis de sortie du véhicule. Le permis, payant, ne peut être demandé que par le propriétaire du véhicule. Il ne peut être délivré que par un notaire. Le permis est délivré sur le champ par le notaire, après paiement, mais les loueurs demandent quatre jours pour l’obtenir et le rapatrier. Personne ne sait combien vaut le permis, mais le loueur le facture 200 US$. Il n’y pas d’équivalent de DHL ou de UPS au Chili (heureusement ils n’ont pas Chronopost !). Ca, c’est ce qu’on apprend, à ses dépends, au fur et à mesure des jours qui passent et des informations qu’on récupère à droite à gauche.
Quand on loue un 4X4 à Puerto Montt et qu’on voyage sur la Carretera Austral, puis en Argentine sur la Nacional 40 pour revenir ensuite au Chili beaucoup plus au sud, il vaut mieux partir avec le permis en poche. Accessoirement, si le loueur a des succursales à moins de 1000 Km de piste de l’endroit où vous comptez laisser le véhicule, ça peut aussi être un petit plus, ou un petit moins pour les emm… Nous, comme nous ne connaissions pas notre itinéraire, nous sommes partis sans permis et sans savoir où nous laisserions la voiture. Le loueur a fait là, preuve d’une certaine souplesse. Malheureusement, il a fait preuve de la même souplesse pour tout le reste aussi.
Nous demandons donc notre permis vers le 27 décembre. Plus quatre jours, ça fait pile le 31. Cécilia, de Puerto Montt nous avertit que ce sera plutôt pour le 2 ou le 3. Pas de problème. Ca nous laisse du temps, avant la date théorique de passage de la frontière. Nous lui dirons où nous serons pour deux jours et elle nous le fera passer par DHL. Mais DHL n’existe pas au Chili. En revanche, elle nous le mettra dans un vol Lan Chile et ça arrive le jour même. Super. Sauf que ni le 2, ni le 3, le permis n’est dispo. Mais bon, c’est à cause des problèmes de la banque qui était fermée avant le réveillon. Ils faisaient le pont, comme chez nous non de dieu… Ca, c’est les mauvais côtés du « développement ». Dès lundi matin, tout va se débloquer. « Ils », Santiago où sont le siège et ceux qui peuvent signer la demande de sortie, mettent le permis dans un avion pour Puerto Montt. Cécilia nous l’envoie « al tiro » (au tir).
Lundi matin. Le permis est dans l’avion. Il sera à Puerto Montt cet après-midi. Pendant ce temps, nous avons avancé, Puyuhapi, Coyhaique, Guadal… L’aéroport le plus proche est celui de Coyhaique. 5 ou 6 heures de voiture. 10 à 12 heures aller-retour. Impossible d’aller le chercher à Coyhaique. C’est Raoul, de Don Carlos aviation, qui se charge de récupérer le permis au bureau de Lan Chile à Coyhaique. Son avion assure la liaison Coyhaique-Chile Chico, la ville frontière où nous passons obligatoirement. C’est là que nous allons récupérer le fameux permis. Les gens de Santiago n’ont pas fait la photocopie du permis, comme Chris l’avait demandé à chacun de ses déjà 40 coups de téléphone. A oui, au fait. Pour gagner du temps, Santiago a mis le permis chez Lan Chile, directement à destination de Coyhaique. Il ne passe pas par Puerto Montt et Cecilia. Ca fera gagner du temps. Raoul passe chez Lan Chile lundi soir. Pas d’enveloppe. Maintenant, Chris ne cherche même plus où est l’enveloppe. Il veut un fax avec la copie, que personne bien sûr, ne peut envoyer, et sur les conseils de Raoul, le numéro du pli déposé chez Lan Chile. Pas de problème. Si le permis n’est pas dans ce vol, il sera forcément dans celui de demain. mais de N° de « boleto » (d’envoi, de ticket…).
Le seul problème, c’est que le vol de Don Carlos part de Coyhaique pour Chile Chico, avant l’arrivée à Coyhaique du vol de Lan Chile. Autrement dit, si le permis arrive bien demain à Coyhaique, il est matériellement impossible de l’acheminer dans la journée à Chile Chico. Cécilia crache le morceau. Santiago lui avait menti, le pli n’est pas parti lundi, mais mardi. Mais maintenant on a un numéro. Mardi soir, pas d’enveloppe N°XX chez Lan Chile. Elle arrivera demain. Mercredi.. Comme on ne peut pas compter sur Lan Chile, et encore moins sur Alamo, le loueur, tout repose sur Raoul. Dès qu’il a le pli en main, il fait une copie, il en envoie une par fax au centre téléphone de Guadal. Andrea, le gérant des cabanas, s’est proposé pour nous accompagner chez les carabineros pour obtenir un accord de passage à la frontière. La dame du centre téléphonique, deux cabines, loin d’être bête, la preuve, c’est elle qui a le seul téléphone du coin… propose ses services et appelle la Governacion de Chile Chico et donne le nom d’une personne susceptible d’aider. Mais rien n’est certain, tout dépend de la douane à la frontière.
Mercredi matin. Raoul va chez Lan Chile, « en ville ». Pas de permis. Nouvelle info. A Coyhaique, quelques milliers d’habitants, il y a DEUX aéroports. Balmaceda, à une trentaine de kilomètre de la ville, où arrive le vol Lan Chile. Coyhaique, d’où part Don Carlos pour Chile Chico. Le pli est peut-être là-bas, à Balmaceda. Ca complique. Surtout quand l’enveloppe est introuvable. Pendant ce temps, la troupe se déplace. Nous sommes à pied d’œuvre, à 10 km de la frontière, à Chile Chico. Notre première visite, dès l’ouverture de la Governacion, est pour la chef de cabinet. Veronica Orias. Très sympa. Dégourdie. Aujourd’hui, Gouverneur parti en vacance ce matin et Sous-Gouverneur qui revient demain, c’est la personne la plus importante de la région. Chris lui raconte son histoire de tour du monde et d’enfants bloqués à la frontière. C’est terrible. Et ça dure depuis des jours. Quel dommage nous aimons tant le Chili. Elle appelle tout le monde. Raoul, notre seul ami, Alamo le loueur menteur. Rien. Au moins, Alamo sait qu’il a les flics au cul; ça va peut-être le bouger, non ?
Nous dormons sur place. Pas le choix. Si nous n’avons rien demain, nous laissons le 4X4 à la Governacion, ils sont d’accord pour le récupérer et nous passons en bus pour aller louer de l’autre côté. Le problème, c’est que si de l’autre côté, ça ressemble à ici, on ne pourra rien louer comme 4X4, ni même comme voiture normale. Et puis, il semble qu’il reste pas mal de piste à avaler. Raoul essaie de récupérer l’enveloppe demain matin chez Lan Chile centre ville et nous envoie à son propre bureau de Chile Chico une copie par fax à destination de Veronica. Rendez-vous, demain matin 9H45, au bureau de Don Carlos de Chile Chico.
Jeudi matin 9H45. Bureau de Don Carlos. Chile Chico. Pas de Raoul. Il téléphone à 10H00. mais personne n’a encore pu passer chez Lan Chile en ville. A 10H45, oui. Pas d’enveloppe. Direction la Governacion et Veronica. Elle fait appeler directement Lan Chile à Balmaceda. A priori, Lan Chile et Air France ont les mêmes critères de sélection pour les hôtesses et le même standard de qualité de service… Personne ne répond. Elle fait rappeler. On lui répond. Elle explique le cas. Le pli est bien à Balmaceda. Ouais put… Il faut qu’elle arrive à convaincre un gars de faire ce qu’il ne doit absolument pas faire. Ouvrir une enveloppe destinée à une personne physique. Elle explique ce que le gars va trouver dedans. Elle est convaincante, donne quelques garanties orales… et personne n’a envie d’avoir des ennuis avec la Governacion, ni sa chef de cabinet, qui hier encore était la personne la plus importante de la région. Le gars ouvre et envoie. Elle fonce chercher le fax. Il a envoyé une copie des papiers, pas le permis ! Elle rappelle, ou plutôt, fait rappeler. Car au Chili, personne n’a accès direct à l’extérieur. Il faut toujours passer par le standardiste. Il ne faut pas perdre les bonnes habitudes du pouvoir militaire et de ses espions. Il y a deux pages. Le fax de Lan Chile fonctionne mal. Le gars a déjà balancé le fax de la deuxième page. Elle est arrivée le temps de téléphoner.
Wahou ! Veronica est aussi contente que Chris. Délivrance. Faire le tour du monde en homme libre et rester coincé à cause des pourris incompétents de Santiago. Ils s’embrasseraient, Veronica et Chris, tellement ils sont contents. Appel rapide à la douane. OK pour le fax. Mais il faut des signatures et des tampons. Veronica part expliquer le topo au Gouverneur. Il signe. Il ne lui refuse rien, à Veronica (elle est très mignonne), de toutes façons, le gouverneur. Elle tamponne. Pour lui, pour elle aussi. Elle signe. Ca peut pas faire de mal et elle soigne son marketing local. Et voilà le travail. Son petit s’appelle Martin. Il a un an. Félix est passé tout à l’heure avec sa maman, que les choses soient bien claires. Libres.
Merci Veronica. Souriante, sympa et efficace. Elle accepte d’être prise en photo. Dans son bureau. En contre-plongée avec la photo du Président derrière. Elle sera sur le poster des personnages croisés pendant le tdm. En plus elle a une adresse internet. En repassant devant Don Carlos Transportes, impossible de payer quoi que ce soit. Chris laisse de quoi payer une bonne tournée à tout le monde. Salut les gars. Merci. Nous, on trace vers la frontière des fois que la relève ne soit pas au jus pour le fax signé du Gouverneur…

LES PHOTOS / POUR GAGNER DU TEMPS / PDJ Argentine EN RAB


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