 |
Mardi
17 février 2004 : la plage d’Anakena.
GMTFr : -6H météo : soleil, pluie, coucher de soleil
Ici, il faut rapidement se faire aux noms, ou vous risquez
de repartir sans savoir où vous êtes allé. Et
après, personne ne croit que vous êtes venu jusque là.
Matinée plage à Anakena. Selon nos estimations, une
des deux ou trois plages de l’île. Tout le monde est
ravi d’aller se baigner, jouer dans les vagues et le sable,
pic-niquer à l’ombre des cocotiers.
Pour les grands, c’est la révélation moai. Les
statues parfaitement alignées dominent la plage en lui tournant
le dos. C’est le matin, il n’y a personne. Maud, Choupie
et Chris vont voir le site chacun de leur côté. Ils
ont l’impression d’être parmi les premiers à arriver
là. Pas un bruit, seulement celui des vagues. Les statues
sont très graphiques, très pures, leur ordonnancement
aussi. Ce sont des œuvres d’art de niveau mondial, indépendamment
du mystère et de la gangue mythologique mal digérés
qui les entourent. C’est très beau. Forcément
célèbre car, comme toutes les statues, elles sont faites
pour être photographiées, donc rapportées au
monde. Très graphiques, le noir et blanc obligatoire d’antan
les servait plus qu’il n’enlevait. Il y a de la magie
dans ces pierres énormes, à mi-chemin entre monolithe
et Giacometti. Un peu plus loin, un autre site, une statue unique,
un autre style. Avec vue sur le sable et la mer. Sans se concerter,
plus personne ne pense comme hier encore à une supercherie.
C’est l’île de Pâques. Rapa Nui.
La mer chaude, les jeux dans les vagues en famille, courir au soleil
en maillot, préparer des plats cuisinés en sable, construire
des châteaux à l’île de Pâques, mettre
de la crème solaire et des chapeaux, ça faisait longtemps
que cela ne nous était pas arrivé. On peut lire à l’ombre,
pic-niquer chilien tranquillement. Nous nous réchauffons tous
de l’intérieur après le long cycle de Patagonie
et prenons quelques petits coups de soleil malgré les protections.
Après la sieste, nouveau dîner Sushi en attendant le « pestacle ».
La danse et la musique, c’est extraordinaire. Nous venons à peine
de quitter nos ballerines citadines tango sauterelles, cheveux tirés
impeccables, mollet fin et taille de guêpe et nous tombons
sur la nature à l’état presque pur, le Groupe
Kari Kari. Grain et couleur de peau à changer de vie, pagnes
laissant apparaître des tatouages dont on est prêt à apprendre
avec langueur la signification profonde, confortablement installé sur
quelque souriante rondeur. Pas plus différentes, aussi belles.
Dans le spectacle, il y en a pour tout le monde, surtout si on aime
les machos-machos. Le chef de danse-guerre, ne semble pas avoir de
mal à convertir ses admiratrices. La terre c’est magnifique,
les humains aussi. Garance est bouche bée, même à onze
heures du soir, elle ne risque pas de s’endormir. Julia applaudit à tout
rompre, c’est un nouveau plus beau jour de sa vie. Félix
trouve les filles jolies et aimerait aussi participer aux danses
combat des hommes. Un triomphe et puis s’en vont.
Nous rentrons à pied dans le vrai noir de la nuit sous les étoiles
de Pâques, le bruit des vagues à gauche, celui du silence à droite.
Quelques secondes d’éternité grappillées
une nouvelle fois sur le tour.
La phrase du
jour : "C’était
laquelle la plus jolie de danseuse ?" "Elles étaient
toutes jolies, c’est ça le problème. Il y en
avait quinze et on peut pas se marier avec quinze filles ?" Félix.
 |
Mercredi
18 février 2004 : visite guidée.
GMTFr : -6H météo : soleil, pluie, découvert
Pile à l’heure. 9h30, combi Volkswagen rouillé datant
des années 60 repeint en vert qui trônerait dans un
musée de l’automobile hippy, cheveux blonds un peu dégarnis,
short de surf directement importé de Tahiti et tongs. Méga
cool et réglo, Lionel notre guide. Pas bavard mais, habitant
ici depuis dix ans et marié à une « Pascuane »,
connaissant très bien l’île et ses histoires.
Et puis, un combi Volkswagen, ça nous fait un véhicule
de plus pendant le tour du monde. Un combi, c’est comme une
Bugatti ou une Harley Davidson, on ne peut pas les ranger avec les
autres véhicules de leur catégorie, ce sont des catégories à eux
tout seuls.
Nous repartons pour le bout de l’île et notre belle plage
d’hier, Anakena et ses deux « sites ». Aujourd’hui
c’est culturel, pas question de se baigner. Pendant les 20
km de la traversée, il n’y a pas plus loin sur l’île,
quelques informations complémentaires. L’arrivée
des sept fils de nobles en éclaireurs, l’arrivée
du roi, sa femme et sa sœur, toutes les deux enceintes (ça
commence bien ou mal ?) et qui auraient accouché pile le jour
de l’arrivée, l’île louée aux Anglais
pour l’élevage du mouton jusqu’en 1950, la plantation
des eucalyptus, importés ainsi que les cocotiers.
Les moais sont des monuments représentant les ancêtres.
Chaque tribu et chaque période possède son style propre
du VI au XVII siècle, après on passe directement au
18ème classique français... L’île était
partagée comme un camembert pour que chaque tribu possède
un accès à la mer. Le système a tellement bien
fonctionné que l’île a fini par souffrir de surpopulation.
Guerres tribales, arrivée de grandes oreilles plus développés
que les petites oreilles, moais renversés pour bien montrer
qui été le vaincu, rapts péruviens pour alimenter
les mines, varioles des survivants ramenés sur l’île, évangélisation… Décadence
et « apports » extérieurs, il ne resta bientôt
plus que quelques vrais Pascuans, incultes, incapables de lire l’écriture
de leurs ancêtres. Ne reste plus que les moais, dont la plupart
sont face contre terre et quelques plaques d’écriture
sur bois, illisibles, au musée.
Les statues sont très belles. Manque les yeux de corail blanc à pupille
colorées. Les styles apparaissent rapidement quand on les
observe attentivement. Au bord de la plage, Nau Nau possède
un dizaine de moais très graphiques et bien alignés.
Ils ont été préservés de l’érosion
car ensevelis sous le sable. Un autre moai, très différent,
qui ressemble à un Valdivia (et revoilà les fameux
Valdivia, nous avons téléphoné à Quito
il y a quelques jours…) domine à quelques mètres
de là. Ature Huki, a été relevé par l’expédition
Kontiki du Norvégien qui voulait prouver que les habitants
de l’île venaient du continent sud-américain,
descendants des Incas. Il est venu en radeau de balsa depuis les
côtes du Chili, mais l’ADN a été plus fort
que lui. Les Pascuans sont bien des Polynésiens. Il faut toujours
faire confiance à la tradition orale…
Nous continuons notre tour turistico-culturel. Deuxième et
dernière plage de l’île, Ovahe, au magnifique
sable rose. Un peu plus loin, Pito, le nombril de l’île.
Grosse pierre parfaitement ronde sortie du fond de la mer, posée à quelques
mètres des rochers et des vagues. Beaucoup de succès
auprès des enfants. Tongariki, le plus grand site de l’île,
en cours de restauration, avec quelques barres de métal pour
soutenir et deux statues recouvertes de cubes de bâches en
plastic bleu. La lumière est terrible pour les photos. Il
faudra revenir à un moment plus favorable. Les enfants sont
au bout du rouleau après la folle nuit d’ivresse d’hier.
Nous déjeunons sous les eucalyptus de la carrière.
La carrière, c’est de là que proviennent tous
les moais. Un cratère de lave, du tuf pas trop dur, « facile » à tailler,
avec des moais à tous les stades de leur élaboration.
De finis, prêts à être transportés, à ébauche
de forme taillée allongée dans la roche. Différents
styles, des statues à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur
du cratère ! Des centaines de statues de 20 à 200 tonnes
chacune. Ils ont dû avoir un problème de transport pour
en laisser autant sur place. Ou bien, chaque tribu commençait
ses travaux et n’avait pas le temps de les terminer avant d’être
déchue par une autre ? Julia et Félix tiennent à monter
tout en haut, à flanc de cratère venté, d’où l’on
aperçoit l’île entière. On peut venir ici
une fois, dix fois ou des années durant. C’est très
beau, pas particulièrement spectaculaire, mais on sent surtout
qu’il reste encore beaucoup de choses à découvrir.
Sur le chemin du retour, nous visitons un dernier site, Vaihu, très
près des vagues qui déferlent. Les statues qui attendent
d’être relevées sont entourées des vestiges
d’un village de cases bateaux (maisons à charpente en
forme de bateau posée à l’envers, directement
sur le sol). Les Pascuans habitaient sous le regard de leurs moais.
Retour du quotidien. Il est trop tard pour faire la sieste. Bain,
dîner, histoire en Espagnol, dodo. Tour du cadran prévu
pour tous les petits. Choupie et Chris mangent, très bien
mais trop et trop tard, chez le Français, à la taverne
du Pêcheur.
La phrase du
jour : "Elle
a combien de jours Emilie (la plus jeune de la famille) ? Quel âge
elle aura quand on va rentrer ? Et tous cas, on ne sait pas du tout à quoi
va elle ressembler quand on rentrera…" Julia.
LES
PHOTOS / UN PEU DE TECHNIQUE /
PHRASES DU JOUR ILE DE PAQUES