
Journal de bord
CAP HORN
56° sud
67° ouest
Sur
Eliot, cotre de douze mètres.
22 / 01 / 2004 – 29 / 01 / 2004.
Ushuaia – Cap Horn – Ushuaia.
Propriétaires : Yves et Véronique.
Equipage : Gilbert , Evelyne et Christophe.
Jour
7. Suite
Douche. La première pour tout le bord depuis cinq
jours malgré la baignoire d’Eliot. Courses en ville,
téléphone pour rassurer la famille, cartes postales à la
poste, arnaque de la tenancière du bazar qui charge cinq dollars
pour les deux cartes laissées à l’aller. Je viens
d’en envoyer dix pour six dollars… Pour les mugs à l’écusson
de Puerto Williams, seul souvenir local de la vraie « ville » la
plus australe du monde, c’est dire le terrain qui reste vierge
au Chili par rapport à l’Argentine bien marquetée,
je calcule le change moi-même. La patronne ne discute pas mon
arithmétique aux résultats pourtant bien différents
de la sienne.
Au retour, petite discussion. J’ai envie de rentrer ce soir à Ushuaia,
dormir avec ma femme et les enfants avant de repartir rapidement en France ensuite.
Deux nuits si nous dormons ici, trois si nous dormons à Ushuaia ce soir.
Plus 50%. Pas de problème. Avec Yves et Véro, très cool,
jamais de problème. Ils sont très souples. Dix ans de mer, une
gentillesse énorme tous les deux, ils n’ont rien à prouver
et ne sont pas à une nuit près à Puerto Williams, même à côté des
copains. Vite la « zarpe » (papier de sortie) et nous y allons. D’autant
que c’est toujours le calme plat dehors.
Avant de repartir, cette fois c’est bien la dernière, du Chili,
un super coup pour Yves. Un générateur Honda 2000 watts. Neuf.
Servi quatre fois en Antarctique pour recharger les batteries des caméras
embarquées pour un truc télé sur Pélagic. Pas une
rayure ni une tache d’huile. Rouge. Magnifique. Flamboyant. A la José Maria
de Heredia. Avec la bougie de rechange et le manuel de garantie encore dans le
plastic d’origine, attaché à la poignée avec une ficelle.
A ramener par avion d’Europe car introuvable ici, ou hors de prix. Yves
et Véro ont donné le leur il y a une semaine. Un bloc de rouille,
mais qui fonctionnait depuis dix ans, un Honda, aussi. « On » l’a
pour moins que la moitié du prix neuf. Nous sommes tous très contents,
mais Yves est super content. Pour le plaisir, il le fait démarrer. Impeccable,
presque pas de bruit. Il faudra lui trouver sa place et faire un petit coffre
spécial.
Fin de journée. Papiers tamponnés, Yves et Véro parlent
bien Castillan et sont toujours très cordiaux avec les autorités,
nous pouvons partir. Pour nous aider, les autorités ont même emmené Yves
en 4X4 jusqu’à leur bureau. Départ de Puerto Williams, du
Chili, au moteur, dans le calme absolu de Micalvi. Et ploc. Plantés. A
quelques mètres du ponton à peine. A marée très basse,
nous avons mis la quille dans la vase. Petit suspens. La quille refuse de remonter,
le bateau de bouger. Espérons que nous n’aurons pas à attendre
la marée haute. Surtout maintenant que la zarpe est signée et que
nous avons quitté le quai, interdit de retoucher terre ou de s’amarrer.
Nous devrions nous mettre à la bouée pour passer la nuit… Suspens
de courte durée. La quille remonte. Eliot bouge. Nous partons.
Canal Beagle, nom du bateau de Darwin qui est aussi passé par ici, d’un
calme rare. Pas une risée. Seulement quelques vaguelettes désorganisées
par manque total de vent. Avec le soleil en contre jour, la mer sombre ressemble à du
plomb ou de l’aluminium en fusion. Lourde, métallique, brillante,
douce. Le ciel est énorme. Nuages de toutes les tailles, de toutes les
formes, de toutes les teintes du blanc au noir avec coins de bleu. Gilbert en
profite pour prendre quelques photos noir et banc au filtre jaune. Il fait frais
et beau. Notre dernière nuit de navigation, notre dernière « vraie » nuit
de Terre de Feu et de Patagonie. Le noir finit par arriver doucement, vers 22h30.
Nous restons sur le pont jusqu’à ce que le froid nous pousse vers
la chaleur du poêle. Yves lit pris dans les glaces. Il n’aime pas
trop les livres de mer mais celui là lui plait drôlement, assis
sur les marches, un œil sur la mer et la carte. Le vent se lève.
Favorable. Mais nous avons un peu la flemme de monter les voiles. Ca sent l’écurie.
Un moment après, le vent forcit et tourne. Vent presque debout. Les voiles
ne serviraient plus à rien avec 25 nœuds de face et mer belle. Le
temps de laisser quelques cols chiliens à tribord et le vent tombe, comme
la pluie. Ushuaia illuminée. Nuit noire, pluie froide. En quelques minutes
Eliot est à quai, à couple d’un magnifique Swan de 20 mètres.
Les autorités arrivent et tamponnent. Merci les gars d’être
rentrés ce soir pour moi.
Je débarque à Ushuaia, sous la pluie, au club nautique. Véro
a appelé un taxi qui ne viendra jamais. Un Argentin sympa propose de me
ramener « al centro ». Comme je ne sais pas encore que le taxi n’arrivera
pas, je le remercie et commence à marcher vers notre pension de famille,
la posada la Serena, sous la pluie. Il est minuit au bout du monde civilisé.
Il pleut. Quelques gars essaient de pêcher la merluza depuis la digue de
pierres. Eliot est en train d’être rincé à l’eau
douce. Moi aussi. Très douce. Une belle nuit de cap-hornier au bout du
monde.
IMAGES
La mer gris foncé.
La mer noire.
Le vent, la nuit, qui met la pression sur le lendemain.
La magie des noms.
La flore des Walloston.
La météo.
Le noir : mer, ciel, rochers, oiseaux, îles, nuages, nuit.
Les verts des îles.
Les amis des bateaux.
Les manœuvres sur Eliot.
Les phares qui appellent pour identification. « Buena navigacion ».
Le kelp (laminaires)
Le sable de la caletta Martial.
L’euphorie du passage du Horn.
Les ciels.
Les nuages. |
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